«La majorité du pays ne veut pour l’instant abolir la peine de mort, à nous de poser les conditions dans le cadre du droit pénal», a déclaré le ministre de la Justice, Mustapha Ramid lors de son passage à Medi1Tv sur le plateau de «90 minutes pour convaincre», émission diffusée le jeudi 26 juin dernier.
C’est sur cette base, semble-t-il, que son département a élaboré sa réforme du code pénal. Car celle-ci «n’a pas aboli la peine de mort», révèle le journal L’Economiste dans son édition de ce mardi. Pourtant, en présentant un rapport devant les deux chambres du parlement le 16 juin dernier, le président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Driss El Yazami, a insisté sur la nécessité d’abolir la peine de mort au Maroc.
Condamnation sur décision unanime de tous les juges
Cependant la réforme du code pénal devrait durcir les conditions de condamnation. Ainsi, l’article 430 prévoit que la peine capitale soit prononcée si et seulement si «les juges décident à l’unanimité», et cela doit être marqué dans le prononcé du jugement, rapporte le quotidien économique. En outre, le procès-verbal de la délibération, dûment signée par tous les magistrats ayant statué, doit faire mention de la condamnation commune de l’accusé à la peine de mort.
Par ailleurs, cette réforme du code pénal prévoit de réduire de 36 actuellement à 12 le nombre d'infractions donnant lieu à la peine capitale, indique la même source. Parallèlement, le projet de loi n° 108-13 modifiant le code de justice militaire et discuté au Parlement prévoit de réduire de 16 à 5 le nombre d’infractions soumises à la peine de mort.
«Profonde contradiction dans la logique et le discours du gouvernement»
Et si avec toutes ces mesures envisagées le Maroc entend être «globalement en conformité avec les normes internationales liées à l’application de la peine de mort», les abolitionnistes s’indignent. «Nous ne comprenons pas que malgré l’article 20 de la constitution relatif à la sacralité du droit à la vie, le Maroc soit encore dans cette situation», affirme à Yabiladi Abdelilah Ben Abdeslam, vice-président de l’AMDH et représentant de l’association au Collectif contre la peine de mort.
Depuis des années, ce collectif milite pour que ce type de sentence ne soit plus prononcée au Maroc. Et d’après ce militant, il y a «une profonde contradiction dans la logique et le discours du gouvernement, tant vis-à-vis des Marocains que de la communauté internationale». L’homme se souvient qu’à a la troisième édition du Congrès mondial contre la peine de mort en février 2007, le Maroc avait déclaré qu’il ratifierait le 2ème protocole sur l’abolition de la peine de mort. «Mais depuis, il n’en est rien. De plus avec le gouvernement Benkirane, il n’y a aucune avancée dans ce sens», regrette M. Ben Abdeslam.
«Notre revendication, c’est l’abolition de la peine de mort et non le durcissement des conditions de condamnation», tranche le militant, soulignant qu’il est erroné de dire que la plupart des Marocains ne veulent pas abolir cette peine, comme l’a affirmé le ministre la semaine dernière. Il faut dire qu’il n’y a pas eu d’enquête d’opinion sur la question. Mais, de nombreux politiques (notamment l’USFP avec sa proposition de loi déposée en décembre 2013), parlementaires et associations des droits de l’Homme se sont déjà positionnés contre la peine de mort. D’ailleurs en février dernier, des députés critiquaient les réticences de Mustapha Ramid à ce sujet.
En 2013, dix peines de mort ont été prononcées au Maroc. En mai dernier, le cas du jeune homme ayant violé et assassiné deux jeunes fillettes de 10 ans était le premier médiatisé de cette année. Mais selon M. Ben Abdeslam, «4 cas» ont déjà été enregistré en 2014.