Près d’un mois après la tuerie ayant fait quatre morts au Musée juif de Bruxelles, les aumôniers musulmans des prisons de France, où le principal suspect Mehdi Nemmouche avait passé beaucoup de temps, sortent de leur silence. «Réunis à Paris le 14 juin 2014, nous, l’aumônier national et les aumôniers régionaux musulmans des prisons, souhaitons renouveler notre ferme et totale condamnation de la barbarie qui a frappé des personnes innocentes au musée juif de Bruxelles», écrivent-ils dans un communiqué diffusé lundi et repris par l’AFP.
Le droit à la laïcité
Après les condamnations, les réclamations. Dans leur texte, les aumôniers musulmans des prisons réclament, en effet, le droit à un statut professionnel, à l’instar de leurs confrères exerçant dans les hôpitaux ou dans le milieu militaire, pour pouvoir notamment mieux faire face à la radicalisation de certains détenus de confession musulmane.
«Notre présence en milieu carcéral est utile. Il est temps que les conditions dans lesquelles elle s'exerce soient garanties, selon la loi de 1905 sur la laïcité qui n'introduit aucune différentiation entre les aumôneries», écrivent-ils avant d’annoncer : «Nous réclamons donc un statut professionnel, comme en bénéficient les aumôniers hospitaliers et militaires».
«Il nous fournira un cadre légal clair indispensable au bon déroulement de notre mission, dont par exemple la possibilité de financer des formations complémentaires», ajoutent-ils.
Discrédités
Pour les aumôniers musulmans des prisons, leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. «Tous les jours, sans compter notre temps ni notre énergie, nous essayons de transmettre aux personnes détenues des valeurs à la fois religieuses et humanistes : la sacralité de la vie humaine, le respect des personnes et des biens d'autrui, le vivre-ensemble, le respect des lois de la République», écrivent-t-ils dans leur communiqué.
«Forts de tous ces efforts, sacrifices et dévouements accordés bénévolement aux personnes détenues, nous ne pouvons que déplorer le discrédit jeté sur notre travail», estiment-ils.
«Pour exiger qu’un aumônier aille en prison, il faut une carotte, comme une couverture sociale ou une retraite. Pour nos frères catholiques, c’est l’Église qui peut payer cela. Mais pour nous, aucune structure ne peut le faire. Or une présence plus importante dans les prisons peut diminuer la radicalisation», explique l’aumônier musulman national El Alaoui Talibi, d’origine marocaine, dans une déclaration au journal La Croix.
Les 169 aumôniers musulmans que comptent actuellement les prisons françaises ne perçoivent pas de salaire, mais seulement une indemnité versée par l'Administration pénitentiaire, couvrant leurs frais de déplacement. Selon Samia Ben Achouba, secrétaire de l’aumônerie nationale et elle-même aumônier régional, 800 euros nets par mois lui sont versés pour ses interventions dans cinq établissements pénitentiaires du Nord-Pas-de-Calais.