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Interview

Petites bonnes : "Nous demandons un projet de réparation" [Interview]

"Cette année, la Journée mondiale [aujourd'hui, mercredi 12 juin] contre le travail des enfants attire l'attention sur le rôle de la protection sociale pour tenir les enfants à l'écart du travail et pour les en retirer", indique le communiqué de l'OIT. L'association marocaine INSAF, membre principal du collectif d'association de lutte «Pour l’éradication du travail des petites bonnes», par la voix de sa directrice opérationnelle, Houda El Bourahi, insiste également sur la prévention plutôt que sur la condamnation des 'patrons voyous'.

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Yabiladi : L'INSAF affirme avoir permis, depuis 2005, à 300 jeunes filles de quitter le travail domestique pour retourner dans leurs familles et à l'école. Comment procédez-vous pour parvenir à ce résultat ?

Houda El Bourah : Nous travaillons dans trois provinces de la région de Marrakech-Tensift-El Haouz dont celle de Chichaoua. Dans les zones rurales nous abordons les autorités et les associations locales pour identifier toutes les filles déclarées et qui ne vont pas à l'école. Nous abordons alors leurs parents pour les sensibiliser, les convaincre de faire revenir leur fille qui travaille dans une grande ville du pays, très loin de leur village. Quand elles reviennent, nous offrons au père 250dh/mois en compensation du revenu qu'elle n'apporte plus à sa famille. Ensuite, nous l'accompagnons pour qu'elle ait le matériel scolaire nécessaire, reçoive des cours de soutien pour le temps perdu... Nous les suivons au cours de toute leur scolarité. Aujourd'hui, 4 d'entre elles poursuivent des études secondaires.

Votre association se porte parfois partie civile pour soutenir les jeunes filles contre leur employeur en cas de violence voire de meurtre. Combien d'adolescentes avez-vous ainsi défendues ?

Nous avons chaque année un cas qui se présente et que nous soutenons, au total c'est 4 ou 5 procès dans lesquels nous nous sommes portés partie civile. Le dernier en date, c'était à Agadir, pour une fillette de 11 ans maltraitée, brûlée par son employeur et pour laquelle les soins n'ont pas été prodigués à temps. Sa patronne a été condamnée à 20 ans, mais pourquoi ? Cette femme a laissé deux enfants derrière elle. Au final on y a tous perdu. Le Collectif se sert d'abord des procès pour dénoncer l'emploi des "petites bonnes", pour accuser la société qui a laissé travailler et tuer ces enfants. Avec une condamnation on s'intéresse au tueur ou à la tueuse, mais qui prend soin des petites filles qui en réchappent ?

Une loi sur les "petites bonnes" est en discussion dans les méandres du systèmes législatif depuis plusieurs années, malgré les drames qui se succèdent. Pourquoi ?

Cette loi subit le même sort que beaucoup d'autres qui dépendent de la conjoncture politique, mais elle n'est pas la panacée de toute façon car elle traite du travail domestique en général. Dans le fond, elle ne protège pas les enfants de l'exploitation domestique ; elle se contente de pénaliser les employeurs. Les lois essentielles existent déjà : le travail des mineurs de moins de 15 ans est interdit et l'obligation scolaire existe. Aujourd'hui, ce que nous demandons c'est un projet de réparation pour les jeunes filles qui rentrent dans leur famille pour aider à la réinsertion familiale car le travail d'associations comme la notre est insuffisant pour couvrir tout le Maroc. Nous voulons un organisme auprès duquel chacun puisse dénoncer un cas d'exploitation domestique. Il faut des structures pour accueillir celles qui quittent leur employeur. Elles ne savent parfois pas où est leur famille.

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