La plus haute juridiction au Maroc a annulé un verdict prononcé, il y a quelques mois, par la cour d’appel de Kenitra, accordant 80 mille dh en faveur d’un homme qui avait porté plainte contre ses anciens employeurs pour licenciement abusif. Pour calculer cette somme, les juges s’étaient basés sur les articles du code du travail. Un argument totalement rejeté par les magistrats de la Cour suprême. Et pourtant, l’homme a déclaré devant les magistrats qu'il exerçait plusieurs fonctions à la fois : il était jardinier, gardien et aidait en cuisine.
La Cour suprême a motivé sa décision par l’absence d’une loi spécifique pour les domestiques. Le projet de loi approuvé, en mai 2013, par le gouvernement Benkirane supposé encadrer leur travail erre toujours dans les quatre coins de la Chambre des conseillers. Ce retard inexpliqué, qui pourrait choquer certaines âmes démocratiques, est dans son contexte marocain tout à fait normal. Sachant que le texte adopté il y a une année par l’exécutif a été, en effet, élaboré en 2009 par le cabinet Abbas El Fassi.
Absence d’un cadre juridique
Un retard appelé à durer encore longtemps. Et pour cause, la copie préparée par le gouvernement comporte des lacunes. Saisi par la Chambre haute du parlement pour donner son avis, le Conseil national des droits de l’Homme recommandait, en novembre 2013, d’intégrer dans le contrat des clauses particulières, notamment : «le type de travail à effectuer», «la rémunération, son mode de calcul et la périodicité des paiements», «le taux de rémunération ou la compensation des heures supplémentaires», «la durée normale de travail», «le congé annuel payé et les périodes de repos journalier et hebdomadaire», «la fourniture de nourriture et d’un logement», «la période d’essai», «les conditions de rapatriement (s’il s’agit d’un travailleur étranger)» et surtout fixer l’âge minimal de ses employés de maison à 18 ans.
Des propositions en phase avec celle exprimées, quelques jours auparavant, par Human Right Watch. L’ONG avait, en effet, appelé le parlement marocain à réviser le projet de loi sur les travailleurs domestiques afin qu’ «il soit conforme aux normes internationales». Huit mois après les interventions du CNDH et du HRW, le texte est toujours au point mort. En attendant les domestiques restent toujours à la merci d'un licenciement abusif facilité par le vide juridique.