Les autorités marocaines avaient jusque-ici ignoré ses allégations de torture. Aujourd’hui, le ministère de la Justice et des Libertés semble avoir changé d’avis. Dans un communiqué diffusé mercredi, ce dernier annonce, en effet, l’ouverture d’une enquête sur les supplices qu’affirme avoir subis, Ali Ali Aarrass, prisonnier belgo-marocain, condamné au Maroc à 12 ans de prison pour terrorisme.
«Le procureur général du roi près la Cour d'appel de Rabat a présenté, mercredi, une requête au juge d'instruction à la quatrième Chambre près la même juridiction, pour mener une enquête sur des allégations de torture dont aurait été victime M. Ali Aarrass», indique le département de Mustapha Ramid. Cette requête intervient suite à la publication des rapports du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et d'Amnesty International concernant le cas d’Ali Aarrass, poursuit le texte.
«Approfondir les investigations»
Cette enquête intervient également dans l’objectif de «s’assurer de la véracité des faits allégués et en identifier éventuellement les responsables», ainsi que pour «approfondir les investigations» à propos de la plainte pour torture qu'avait déposée la défense d'Ali Aarrass, souligne le minière.
Pourtant, il y a quelques jours à peine, Mustapha Ramid, invité au JT d’Al Aoula, affirmait encore n’avoir jamais reçu de plainte dans ce sens depuis qu’il est à la tête du département, soit depuis janvier 2012. En tout cas, à en croire Amnesty International, plusieurs plaintes ont été déposées durant toute la période de sa détention.
Dans son rapport, publié le 13 mai dernier, l’ONG internationale a consacré une longue partie au cas Ali Aarrass. Le Belgo-Marocain purge, pour rappel, une peine de 12 ans au Maroc pour collusion et appartenance à un groupe ayant l’intention de commettre des actes terroristes. Il avait été condamné en novembre 2011, après avoir été extradé au Maroc par l’Espagne, en décembre 2010.
Des aveux sous la torture
«Les aveux qui lui ont été extorqués sous la torture et sur lesquels il est revenu devant le tribunal sont, semble-t-il, l’unique élément fourni lors du procès», déplore l’ONG. Selon cette dernière, l’homme avait alors été «maintenu au secret pendant 12 jours dans un centre de détention clandestin situé à Témara, près de Rabat, la capitale, où il a affirmé qu’on l’avait torturé à plusieurs reprises». «Il a raconté au rapporteur spécial sur la torture, Juan E. Méndez, qu’on lui avait infligé les sévices suivants : coups sur la plante des pieds, décharges électriques sur les testicules, suspension prolongée par les poignets et brûlures de cigarette», poursuit Amnesty.
«Les autorités marocaines n’ont jamais enquêté sur les allégations d’Ali Aarrass, ce qui est contraire à la législation du Maroc contre la torture et aux obligations internationales de ce pays au regard de la Convention contre la torture et du PIDCP», ajoute le rapport.
Trois jours avant la publication de ce dernier, l’ONU demandait aussi au Maroc, via une résolution de son Conseil des droits de l’Homme, la «libération immédiate» du prisonnier ainsi qu’une indemnisation financière en sa faveur, en guise de dommages subis durant son arrestation, sa condamnation et sa détention «injuste et illégale».