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Grand Angle

Reportage dans la région d'Azilal : Etre «sans papiers» au Maroc

Selon les estimations, il y aurait des milliers de femmes et d’hommes sans état civil au Maroc. Une situation qui a des conséquences dramatiques et parfois tragiques. Si l’Etat s’est engagé à procéder à une grande opération de régularisation massive d’alliances non déclarées avec comme échéance le 05 février 2009, il n’en reste pas moins que l’urgence «urge».
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Pour mieux nous imprégner (et cerner) la problématique, nous sommes allés à la rencontre d’habitants du village de Ait Abbas. Cette commune qui compte environ 500 habitants a comme particularité de compter près de 50% de sa population qui ne dispose pas d’état civil.

Comment vivent-ils cette situation burlesque ? Qu’en est-il du statut (et du sort) des femmes et des enfants…illégitimes ? L’école pour tous est-elle de mise ? Les droits de succession donnent-ils lieu à des injustices ? Le désespoir a-t-il remplacé l’espoir ? Autant d’interrogations et d’enjeux pour des citoyens coupés du monde et inconnus pour l’Etat.

«Ici, le désespoir gagne du terrain. Nous espérons et nous prions de tous cœur pour que l’Etat joue son rôle. On ne veut être les laisser pour compte. Les situations dramatiques perdurent. On nous a dit que l’Etat a pris l’engagement de régulariser toutes personnes sans état civil. J’espère que nous ne serons pas oubliés», précise Mohamed Agnou, responsable du bureau de poste et médiateur entre l’administration et les villageois.

Situé à environ 80 kilomètres de la ville d’Azilal (à 70 kilomètres au nord de Beni Mellal) ; la petite commune de Ait Abbas a pris racine au pied des coteaux du Haut Atlas, planté à 2 000 mètres d'altitude. Là bas, l’Etat brille par son absence : pas d’électricité (travaux en cours) ni eau potable, fort taux absentéisme des enseignants à la seule école du village ou encore antenne médicale sous équipée. «Cette situation est intolérable. Nous avons le droit de bénéficier du minimum en matière de services publics», indique Mohamed Darkaoui, habitant du village.

Pour le maire de la commune, Mohamed Azar, la responsabilité de cette situation burlesque incombe aux tracasseries administratives. «Les citoyens de la commune sont disposés à régulariser leurs situations en effectuant les démarches nécessaires. Cependant, ils se heurtent à une problématique de taille : le coût de la démarche. En effet, un déplacement à Azilal, chef lieu administratif, revient à 60 dirhams par taxi (aller / retour). Ce montant pèse énormément sur les modestes bourses. Les principales sources de revenus des habitants proviennent de la vente de produits agricoles», dit-il.

Du côté du «statut» des femmes du village, la frontière de l'inacceptable a été (largement) franchie. Elles sont nombreuses à avoir (et à) se marier alors qu’elles sont mineures. Pour proclamer l’union, pas de besoin de faire appel aux adoul ou au tribunal de famille. A Ait Abbas, comme dans beaucoup de contrées rurales de la Province, on s’applique le « Iqanoun tmazight » (loi amazighe). Lecture de la Fatiha par l’imam du douar et la présence de 12 témoins.

Selon la coutume «Orfi», le mariage est donc prononcé. Une méthode contraire à la moudawana et au nouveau code la famille. «Cet acte constitue un délit impuni. C’est complètement anormal. Comme si à Ait Abbas, on était dans une zone de non droit ou l’impunité règne en maître. L’Etat doit absolument réagir», peste un militant associatif.

Quant au fonctionnement en vigueur lors de l’exercice des droits de succession, plusieurs femmes et enfants ont été privés de leurs droits d’héritiers. Pour que le régime traditionnel s’applique aux habitants de Ait Abbas, ils doivent attester que la femme était bel et bien mariée au défunt. Et tout enfant issu d’un mariage coutumier sont considérés comme…illégitimes, faute de reconnaissance d’alliances déclarées et d’acte de naissance validé par l’Etat.

C’est un peu le serpent que se mort la queue. Où plutôt une mascarade en format XXL sur fond d’irresponsabilité et d’hypocrisie grandeur nature.

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