Office Méditerranéen de la Jeunesse (OMJ), cela évoque l'exemple de l'Office Franco-Allemand de la Jeunesse (OFAJ), outil indispensable dans le rapprochement de la France et de l'Allemagne après la Deuxième Guerre Mondiale et qui, dans ses 47 ans d'existence a effectivement rendu possible à des centaines de milliers de personnes d'échanger lors de rencontres professionnelles, centres de vacances, formations interculturelles, projets artistiques, etc., et à contribuer ainsi par le bas à la construction du «moteur de l'Europe». Faire de même dans la Méditerranée, cela ressemble à un beau projet d'avenir.
Cependant, comme l'indiquait le ministre français de l'immigration, M. Besson, il y a, certes, une «inspiration commune: facilité de rapprochement par la formation de jeunes et par l'emploi», mais cela dans un cadre beaucoup plus restreint que pour l'OFAJ. «Ce n'était pas le même contexte. [Concernant l'OMJ,] on est vraiment sur l'idée de trouver les secteurs dans lesquels on pense qu'on a un avenir commun et qu'on a besoin de formations communes, des filières universitaires d'excellence, et troisièmement que cela puisse aboutir à minima sur un stage et surtout, à terme, sur un emploi.»
En clair, l'Office Méditerranéen de la Jeunesse aura pour objectif de sélectionner un nombre réduit d'étudiants brillants des pays membres de cette initiative et, un peu à l'image du programme européen Erasmus, leur faciliter les études, mais aussi l'insertion professionnelle. Une libre circulation des étudiants sélectionnés par des visas spécifiques, des bourses d'études, et un système de parrainage et accompagnement professionnel sont les trois volets qui définiront le travail de l'OMJ. M. Besson en rajoutait un quatrième, celui de créer une expertise au profit du développement des pays d’origine, préconisant ainsi le retour des étudiants dans leurs pays.
Mais même sur un cadre aussi restreint, l'élaboration de l'architecture concrète de l'OMJ est sujette à conflits et les incompatibilités des politiques migratoires de certains pays font surface.
Si M. Ameur, ministre délégué chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, tente d'être conciliant, d'autres le sont moins. Selon M. Ameur, ce projet poursuivra son objectif de créer un «espace méditerranéen facilitant et organisant les flux migratoires dans une dynamique de l'échange» en «tenant compte des exigences des uns et des attentes des autres».
Pour leur part, les représentants de l'Espagne et de la Grèce, pays fortement touchés par la crise économique, ont émis des doutes qu'un projet destiné à faciliter la venue d'étudiants étrangers dans leurs pays puisse réellement tenir compte de leurs exigences. M. Dr. Markos Papakonstantis, conseiller special du vice-ministre grec de l'Interieur, de la décentralisation et de la gouvernance électronique est allé jusqu'à estimer que cela ne pouvait que générer des tensions sociales et politiques que de favoriser des étrangers alors que les nationaux ne trouvent pas d'emplois. Selon lui, des relents xénophobes apparaissent déjà au sein de la population grecque.
Argumentation classique de la droite européenne, que M. Mahmoud Belkacem, chargé d’affaires ambassade d’Algérie à Rabat, n'a pu s'empêcher de contrer. Rassurant son collègue grec, il a expliqué que les pays destinataires des étudiants algériens sont connus et restent limités à deux ou trois pays. «Et la Grèce ne figure pas parmi ces pays. Je vous rassure, aucun étudiant algérien ne compte aller en Grèce» a-t-il lancé.
Il restait néanmoins très critique, lui aussi, quant à l'intérêt que ce projet pouvait avoir pour l'Algérie. L'expérience des bourses octroyées depuis des décennies par son pays à des étudiants pour poursuivre leur cursus à l'étranger se saurait soldée par un très faible taux de retour. Sa crainte est de voir l'OMJ constituer une nouvelle étape dans l'organisation de la fuite des cerveaux des pays du sud.
Le constat, c’est que ce concept de migration sélective, la sélection très précise des personnes à qui on octroie le droit à la libre circulation et qui est à la base de ce projet (et cher au ministre Besson), n'est pas sans être contesté, et cela même dans le cadre aussi restreint que constitue le projet de l'OMJ.
Les arguments politiques prennent le dessus quand sont discutés les départs, le séjour et les retours des étrangers. L'avis des individus concernés ne trouvait pas sa place dans cette conférence de Tanger.