Le gouvernement marocain espère que la loi sur la finance islamique permettra un plein essor de ce secteur, après l’échec de la première tentative du Maroc, il y a quelques années, dans ce type d’activité, indique l'agence de presse Reuters.
L’Etat a en effet autorisé en 2007 la commercialisation par les banques classiques de certains produits financiers soumis aux règles de la charia, dits produits alternatifs. A l’époque, plusieurs banques s’y étaient essayées, mais avaient très vite abandonné, car les Marocains ne s’y intéressaient pas vraiment. Seul Attijariwafa Bank a pu maintenir l’activité de sa filiale spécialisée. La finance islamique ayant gagné du terrain au cours de ces sept dernières années, notamment dans l’espace médiatique marocain, les autorités marocaines espèrent que la population y adhérera en masse. Une des conditions essentielles pour que ce marché fonctionne et rapporte les bénéfices escomptés.
Aujourd’hui, Rabat est dans une position où il ne veut pas rater son coup. D’autant plus qu’après avoir été pendant longtemps réticent à autoriser les banques exclusivement islamiques, le gouvernement aimerait, via cette activité dont les atouts sont vantés à l’international, trouver d’autres sources de financement pour son économie à la santé fragile. D’ailleurs, Bank Al Maghrib s’active pour la mise en place d’un sharia-board annoncé en mars 2013. Sept chercheurs et experts financiers marocains seraient déjà en formation pour devenir membres du conseil, révèle Reuters, citant des sources proches du dossier.
Inquiétude
Il faut dire qu’aujourd’hui, les analyses vont dans tous les sens quand il s’agit du potentiel de la finance islamique au Maghreb en général et au Maroc en particulier. Cela inquièterait-il Rabat ? En 2012, une étude encourageante du cabinet français IFAAS, indiquait que 94% des Marocains sont favorables à l’idée d’épargner de l’argent dans un établissement fondé sur la charia. Début février 2014, Standard and Poor’s (S&P) affirmait dans une étude que la finance islamique dispose d’un fort potentiel au Maroc en raison, notamment de l’engagement de l’Etat. Cependant, l’agence américaine de notation financière mettait en garde, insistant que les prix des produits pro-charia devraient être assez faibles pour concurrencer ceux de la banque classique.
Fin mars dernier cependant, Reuters rapportait que les analystes des marchés ne s’attendent pas à «un énorme rush sur les produits financiers après l’adoption [définitive] du projet de loi». De plus, selon une étude de Thomson Reuters publiée en ce mois d’avril, les banques islamiques pourraient représenter entre 3 et 5% de l’ensemble des actifs bancaires du royaume en 2018, soit 5,2 à 8,6 milliards de dollars. Une proportion qui reste loin de ceux des pays du Golfe notamment.
Et si Rabat menait sa propre enquête ?
Les grandes banques marocaines ont déjà communiqué sur leurs projets après l’entrée en vigueur de la loi. Attijariwafa Bank va renforcer son offre via sa filiale Dar Essaafaa, quand BCP et BMCE préparent le lancement de filiales dédiées. Plusieurs investisseurs du Golfe, aussi, sont attendus. Ils pourraient – selon des sources dans le milieu bancaires- s’allier aux groupes locaux.
Mais, toutes ces banques se veulent très prudentes. Elles ont toutes l’intention de minimiser leurs investissements initiaux, afin de se prémunir de grosses désillusions en cas de non-adhésion des Marocains. Vu que professionnels et officiels émettent des craintes, le gouvernement ne gagnerait-il pas à actualiser l’enquête de 2012 ?