Selon La Provence, si personne n'a pour le moment revendiqué les actes, deux hommes seraient cependant à l'origine des coups de feu à Istres, intervenus entre 2 et 3 heures du matin dans la nuit du 24 au 25 avril. Ils auraient été motorisés et ont tiré sur le lieu de culte à hauteur d'homme avec un fusil de chasse et un pistolet automatique 9 mm ou un revolver P38. Pour ne pas laisser de traces, ils ont récupéré douilles et étuis avant de prendre la fuite, précise le quotidien. Mais personne n'était sur les lieux au moment des faits, il n'y a pas eu de blessés.
Quelques heures auparavant, une boucherie hallal du 15ème arrondissement de Marseille a, elle, été touchée par une vingtaine de projectiles provenant d'une Kalachnikov. Selon Le Point, la police judiciaire, chargée des enquêtes, n'établit pas de lien entre les deux fusillades. «Cela pourrait être un acte raciste tout autant qu'un acte de racket ou de représailles», ajoute-t-on de même source.
Un climat d'affrontement civil?
Le mitraillage de la mosquée a provoqué de vives réactions. Le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) a exprimé dans un communiqué «sa profonde indignation».
«Cette nouvelle agression […] constitue une nouvelle escalade qui ne manquerait pas de susciter une profonde inquiétude et indignation chez l’ensemble des musulmans de France et tous leurs concitoyens épris de paix et de justice.»
Une nouvelle escalade qui attise une polarisation de la société française?
Il suffit de lire les commentaires d'articles parus sur le sujet depuis dimanche dans les journaux en ligne pour constater la violence de ton qui s'installe aujourd'hui en France. En réponse à dépêche parue sur le Figaro sur la «profonde indignation» que ressent le Parti Socialiste au vu de ces attaques, les commentaires polarisent. A l'image de l'internaute annedulot, qui fait un amalgame entre «les pauvres chrétiens, habitant les pays musulmans, eux mêmes persécutés, parfois massacrés et dont les églises sont brulées saccagées...» et l'attaque de la mosquée d'Istres, dans un relent d'œil pour œil, dent pour dent. Ces chrétiens sont persécutés ailleurs, sans protection des gouvernements locaux, donc une protection des non-chrétiens en France ne serait pas nécessaire et des attaques ici normales. Un «On ne va quand même pas pleurer» suivi de cinq points d'exclamations s'ajoute pour tenter de créer un sentiment de légitime défense des chrétiens de France (qui, de manière sous-entendue, seraient une communauté unie).
De l'autre côté du tableau, le sionisme est rapidement cité au rendez-vous, comme par certains utilisateurs de Youtube. Une vidéo postée par AlQuds93, retransmettant les principales infos sur l'attaque, se terminant par le slogan «Stop sionisme», et un commentaire de Abouismael12 donnent le ton, ce dernier estimant que «les médias sionistes en France appellent aux meurtres des musulmans en France.» La théorie du complot à l'état pur – dans le même but de polariser. Le résultat est de couper court à toute discussion sensée sur les faits et les actions à mener au futur.
Heureusement, penserait-on, entre violence de ton en ligne et affrontements violents dans la vie réelle, il reste un écart. Les opinions extrémistes sont très présentes dans les commentaires en ligne, certes, mais moins présentes dans l'expression des urnes, du moins au niveau national.
Mais il ne faut pas se leurrer. Sur son blog, Patrick Lozès, fondateur et président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), fait part de son inquiétude en la matière et se demande: «Mosquée et boucherie halal mitraillées, bus caillassés, des amalgames malsains entre Islam, burqa polygamie et fraude aux services sociaux, des insinuations sur les Français naturalisés. Sommes-nous en France ? Dans le pays des cartésiens et des voltairiens ? Oui, c’est bien dans le pays d’Hugo et de Jaurès qu’un climat d’affrontement civil inédit s’installe.»
Alarmisme infondé? Non, car ces deux attaques, du moins celle contre la mosquée, ne sont que quelques uns des exemples de violences islamophobes. Elles interviennent dans un contexte où il n'est pas difficile de trouver des légitimations pour des actes violents dans les débats médiatiques et politiques. Dans ce sens, Lozès poursuit: «Nul n’ignore que quelques temps avant ces attaques dirigées contre les musulmans de France, le gouvernement lançait un débat sur la burqa, un vêtement porté par...2000 femmes! Nul n’oublie les dérapages du débat sur l’identité nationale et nul n’ignore que l’exécutif a décidé, froidement depuis quelques semaines, un «à droite toute !».
Avec Patrick Lozès, on ne peut que demander au gouvernement de s'interroger sur la logique d'affrontement civil qui s'installe à mesure que la stigmatisation de l'Islam et des français issus de la diversité progresse. «Le combat contre l'intégrisme quel qu'il soit, ne doit pas devenir le combat contre une religion, contre les musulmans de France et contre les citoyens issus de la diversité.».