Le dimanche 16 février dernier, Fatim-Zahra, 2 ans, tombe sur la petite bombonne de gaz où chauffait du café. Un accident grave pour la fillette qui lui vaudra des brûlures au troisième degré, sur le visage, le bras et l'avant-bras. Résidente à Chemaïa (70 km de Marrakech) et totalement démunie, la mère ne trouvera pas de moyen de faire soigner sa fille, faute de transport.
Le CHU Mohammed VI lui tourne le dos, des inconnus lui tendent la main
«Le lendemain matin, je l'ai emmené à l'hôpital de Chemaïa. Mais là-bas, ils m'ont fait trainé toute la journée sans s'occuper de mon enfant», raconte à Yabiladi la maman qui requiert l'anonymat. N'ayant pas d'argent pour arriver jusqu'à Marrakech, elle devra attendre que son père puisse l'y conduire mardi matin. A son arrivée aux urgences de l’hôpital Ibn Tofail de Marrakech, la maman et sa fille sont envoyées au CHU Mohammed VI «Mère et enfant», en raison de la gravité des blessures. Ce dernier, étant supposé être plus compétent pour gérer ce genre de cas. Immédiatement, la mère de Fatim-Zahra s'exécute.
Mais une fois au CHU, cette femme y passera toute la journée, sa fille dans les bras, sans qu’aucun médecin ne lui administre le moindre soin. C’est une dame venue accompagner son amie dont le fils s'était ouvert la main avec une conserve, qui s’inquiètera du sort de la petite. «La fillette n’avait que de simples pansements, alors qu’elle s’était brûlée depuis deux jours. Dès que je l’ai vue, j’ai senti qu’elle était en danger. Je suis allée voir le personnel de l’hôpital, mais personne n’y a donné d’importance», indique à Yabiladi la dame qui témoigne sous anonymat.
C’est alors qu'elle décide, à ses frais, d’emmener Fatim-Zahra à la Clinique Internationale de Marrakech, pour qu’elle puisse être sauvée. Mais vu la gravité des brûlures, le personnel médical – sans vouloir se prononcer - évoquait toutefois la probabilité d’amputer la petite fille du bras et de l’avant-bras, avec la possibilité qu’elle perde son œil. Les soins de Fatim-Zahra nécessitant de gros moyens financiers, la bienfaitrice a alors alerté ses amis qui ont, à leur tour, fait tourner l'information sur les réseaux sociaux afin de mobiliser les fonds.
Plus de 50 000 dirhams de dons, le corps médical renonce aux honoraires,…
De leurs côtés, le chirurgien, les médecins et les anesthésistes, ont eux aussi été sensibles et ont renoncé à leurs honoraires. Après cela, le plus lourd de la facture restait l’hospitalisation puisque Fatim-Zahra devrait être internée pendant au moins un mois, la nuitée s’élevant à 800 dirhams. La clinique aussi a fait un effort en accordant une réduction de ces frais.
«Il y a eu un grand élan de solidarité. Nous avons pu récolter plus de 50 000 dirhams de dons. Ça va permettre de payer tous les frais liés à l’hospitalisation, les médicaments et les frais connexes. Vous savez la maman est arrivée sans un sous», explique à Yabiladi Aurore Chaffangeon directrice du magazine Madame in Marrakech, qui s’est beaucoup investie – avec d’autres personnes - dans la mobilisation des donateurs.
Fatim-Zahra est hors de danger, mais qu’en est-il des autres ?
Aujourd'hui, Fatim-Zahra est hors de danger. Les médecins ont pu sauver son oeil, son bras et son avant-bras vont mieux et la greffe aura lieu la semaine prochaine. «C’est un cas qui me tenait à cœur, je n’arrivais pas à manger pendant plusieurs jours. J’allais la voir tout le temps à la clinique. C’est quand elle a ouvert les yeux que j’ai eu enfin la conscience tranquille», confie la dame qui a conduit la fillette à la clinique.
Cependant, «nous médiatisons cette affaire parce que nous ne voulons plus que cela se reproduise», assure Mme Chaffangeon. «Aux urgences du CHU Mohammed VI, c’est la catastrophe. La petite a été prise en charge, mais combien de gens ont été victimes de ce genre de comportement et combien le seront encore si rien n’est fait ?», s’interroge une amie de la bienfaitrice, qui requiert l’anonymat.
Jusqu’à présent, les raisons du refus de soin au CHU Mohammed VI restent inconnues. Nous avons tenté de joindre l’hôpital pour en savoir plus, mais ce cas semblait être méconnu de nos interlocuteurs.
Cette affaire remet au goût du jour les comportements souvent affichés dans certains hôpitaux publics du royaume. On se souvient de cet homme qui, en août 2012, disait avoir été expulsé de l’hôpital Ibn Tofail de Marrakech par son médecin juste avant son opération. Bien que l’affaire ait fait le buzz à l’époque, la direction de l’hôpital était restée muette. Reste à espérer que le cas de la petite Fatim-Zahra interpelle véritablement les autorités. D’après des sources proches, une enquête «commandée par un responsable au ministère de la Santé» serait en cours.