Big Fail : L’alcool et le tabac auraient rapporté 80 milliards de DH à l’Etat marocain ? [Edito]

Millions, milliards, dirhams, centimes, le journaliste marocain tente chaque jour de jongler entre les différentes mesures. Qu’il soit arabophone ou francophone, il en perd souvent son latin. Il est en effet difficile d’appréhender des montants aussi élevés quand on raisonne en millions ou milliards. Pourtant un test simple permet de s’y retrouver : comparer avec des métriques connues.

Ainsi, les quotidiens arabophones Al Ahdath al Maghribya et Al Khabar, relayés par le site francophone le360.ma se sont empressés de sauter sur le chiffre choc : l’alcool et le tabac auraient rapporté à eux seuls, pas moins de 80 milliards de dirhams aux caisses de l’Etat en 2012. Pour relativiser ce montant, comparons-le tout simplement au PIB, soit la totalité des richesses produites par le Maroc en 2012. Ce qui nous donne une taxe sur seulement deux produits qui rapporteraient pas moins de 10% du PIB ? Surréaliste !

Source : Zouhair Chorfi ?

Les journaux sourcent ce montant en l’attribuant à Zouhair Chorfi, directeur de l'Administration des douanes. Alors forcément si c’est un responsable des douanes qui l’affirme, il est difficilement contestable. Sauf que Zouhair Chorfi ne peux pas avoir cité ce niveau de taxes récoltées pour les deux produits cités, puisque les 80 milliards de dirhams représentent l’ensemble des taxes (TIC, DI et TVA) récoltés par la douane. Cela regroupe évidemment tous les produits (du pétrole au textile, des produits agricoles aux voitures, du Nutella aux smartphones).

Il suffisait de consulter le site de la douane et de lire le rapport d’activité 2012 pour lire que la TIC sur les tabacs manufacturés ne représente que 8,2 milliards de dh, alors que l’alcool, non précisé, est relégué dans la catégorie «Autres». Le principal contributeur aux recettes douanières reste encore et toujours l’importation des produits pétroliers (13,1 milliards de dh de TIC, 11,4 milliards de TVA et 2,1 milliards de redevance gazoduc).

Beaucoup trop de zéros !

Cet exemple d’erreur grossière sur les chiffres n’est pas la seule malheureusement. Rien qu’en 2013, nous avions relevé deux cas assez emblématiques. Le journal arabophone Al Massae s’était emmêlé les pinceaux entre millions et milliards de dollars concernant un contrat d’armement entre les Etats-Unis et le Maroc d’un montant de 12 millions $.

Deux mois plus tard, c’était au tour du quotidien économique de référence, L’Economiste, de relayer un faux communiqué de presse d’une association allemande Aktion Afrika. Si l’association existe bel et bien, le projet d’investissement de 50 milliards € en infrastructures dans la région de Taounate n’était qu’un pur gag.