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Grand Angle

Secteur automobile au Maroc : Les exportations explosent mais la valeur ajoutée marocaine baisse de 6,3%

Le Maroc se gargarise de l’explosion de ses exportations automobiles, mais la valeur ajoutée produite localement dans ce secteur est au contraire en baisse de 6,3% en 2012, année où la Renault a lancé sa production dans sa nouvelle usine de Tanger. Explications.

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L'usine Renault, à Tanger, fait la fierté du Maroc. /(photo:Renault)
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Le 7 février 2012, Renault inaugurait sa nouvelle usine à Tanger et lançait la production, essentiellement destinée à l’exportation, de la Lodgy. En 2012, les exportations de l’ensemble du secteur ont logiquement bondi de 170%, passant de 2,7 milliards de dirhams à 7,3 milliards, indique un rapport complet de l’Office des Changes sur les performances à l’export de l’industrie automobile au Maroc, publié en ce début d’année. Pourtant, cette année là, la valeur ajoutée du secteur n’a pas augmenté, mais régressé de 6,3%.

«La valeur ajoutée dégagée par l’industrie automobile à partir des réexportations en suite d’admissions temporaires pour perfectionnement actif (ATPA), s’élève à 10,5 milliards de DH en 2011, et 9,8 milliards de DH en 2012», indique assez discrètement, le rapport de l’Office des changes. Précision particulièrement importante puisque l’industrie automobile au Maroc est avant tout une industrie de sous-traitance et d’assemblage mise en place par des multinationales. Comme l’indique le rapport, 99% des exportations du secteur, en 2012, ont donc été réalisées sur la base de produits précédemment importés de l’étranger ; c’est ce que l’on appelle ‘les admissions temporaires pour perfectionnement actif’.

Valeur ajoutée marocaine 39,5%

Pour mesurer les bénéfices que le Maroc retire de l’implantation de ces grands industriels étrangers et en particulier de Renault à Tanger, il faut donc connaître la valeur ajoutée produite au Maroc : l’écart entre les importations et les réexportations. Avec 9,8 milliards de dirhams en 2012, la valeur ajoutée marocaine représente 39,5% de la valeur totale des voitures et des produits automobiles exportés, contre 47,1% en 2011.

Etant donné le poids de la production de Renault à Tanger, dans l’ensemble de la production du secteur au Maroc, cela signifie que la valeur ajoutée marocaine dans la production de Renault dans son usine de Tanger est plus faible que dans la moyenne du secteur. Pourtant, Renault annonce très officiellement un taux d’intégration (cette même plus-value) de 50%, pour la Lodgy.

Cette part du produit fini qui a été réellement produite au Maroc n’est pas nécessairement le fruit de l’industrie marocaine. «Il s'agit surtout d'achats auprès des équipementiers internationaux qui se sont installés à Tanger. La part des entreprises à capital 100% marocain, et qui étaient fournisseurs traditionnels de la Somaca, est très faible (seuls deux retenus pour la 1ère ligne de fabrication, et pour de tous petits volumes)», indique Nadia Benabdeljlil, professeur en Sciences de gestion à l’Ecole Mohammadia d'Ingénieurs. Renault a refusé de nous donné la liste exhaustive de ses fournisseurs.

Effet d'entrainement

«Aujourd'hui, l'un des enjeux pour nous se situe au niveau du développement du tissu industriel local. A côté des équipementiers internationaux qui sont implantés au Maroc, il y a un peu de déception sur le fait de ne pas assister à l'éclosion de véritables entreprises maroco-marocaines : équipementiers, sous-traitants, etc…», reconnaissait Hakim Abdelmoumen, président de l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce automobile, dans une interview à Usine Nouvelle Maroc.

L’effet d’entrainement d’une grosse production sur l’ensemble de l’industrie marocaine tel qu’il était souhaité par le gouvernement marocain n’a pas encore réellement pris, selon lui. «Il peut être dangereux pour des PME de tenter de cibler directement Renault-Nissan, à moins d'être très bon au niveau d'une niche. Dans notre volonté de structurer la filière nous préférons orienter ces entreprises vers le travail de rang 2 plus adapté aux PME», a également expliqué Hakim Abdelmoumen. «Nous souhaitons par principe, développer une intégration locale efficace et ne mettons pas de freins au type d’activité sous réserve que l’intégration soit compétitive et qu’elle réponde à nos exigences de qualité», ajoute, la direction de la communication de Renault.

Montée en compétence du fournisseur traditionnel

Cependant, une forme d’entrainement, moins évidente a bel et bien lieu entre Renault et ses fournisseurs marocains, à Tanger. «Au cours de l’année de préparation qui a précédé [les] premières livraisons [d’une PME marocaine qui livre le silencieux du système d’échappement, ndrl] au site de Renault Tanger, [j’ai] pu observer, en temps réel, le processus de montée en compétence de ce fournisseur traditionnel, qui s’est accompagné d’une véritable dynamique d’apprentissage en interne», explique Nadia Benabdejlil.

Le transfert de compétence, notamment organisationnel, appelé de ses vœux par Omar Tijani, professeur à l'université de Larache, pour le secteur aéronautique, a lieu dans l’automobile. «Le Maroc ne doit pas être un "abri" d’entreprise, mais il doit développer l’apprentissage organisationnel», expliquait-il à Yabiladi.com, en septembre dernier. «Dans ce contexte de changement et d’incertitude pour son fournisseur, dont [Renault Tanger] est largement à l’origine, le client [Renault, ndrl] se fait à la fois contrôleur et accompagnateur», explique Nadia Benabdeljlil : «Renault ne nous lâche pas. Il nous suit, nous accompagne… C’est comme un parent, qui a son fils et le suit de près», tente d’imager le responsable méthode de la société marocaine. Pour bénéficier de ce suivi, encore faut-il avoir été sélectionné comme fournisseur par Renault.

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