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Grand Angle

Travail domestique : Ambiance Bonne enfant

Elles se réveillent à l’aube et ne se couchent que très tard le soir. Elles ne dorment toujours que d’une oreille, prêtes à anticiper les besoins des membres de la famille dont elles ne font pas partie. Elles ont onze ans en moyenne.
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Nous voyons tous les jours ces fillettes se trimballer d’un lieu à l’autre. Les «petites bonnes» ont toujours fait partie du décor, jusqu’à ces dernières années. Certaines consciences se réveillent, lentement mais sûrement. Un projet de loi sensé interdire le travail domestique des enfants devrait bientôt voir le jour. En attendant, 66 000 petites filles portent chaque jour un peu plus les marques de l’enfance qu’on leur a volée...

L’ONG américaine Human Rights Watch (HRW) s’est penchée sur le sujet. Les «petites bonnes» sont «à l’intérieur des maisons mais en marge de la loi» : «Inside the house, outside the law» est le titre du rapport de 60 pages publié par HRW. C’est le fruit d’une enquête menée à Casablanca, Rabat et Tanger, entre mai et novembre 2005. Les résultats sont désormais disponibles intégralement depuis le 18 janvier. La situation est, on s’en doutait, catastrophique. "Les petites bonnes marocaines travaillent 126 heures par semaine et subissent des violences physiques et sexuelles de la part de leurs employeurs. Elles triment entre 14 et 18 heures par jour durant toute la semaine et sans aucun repos. Elles reçoivent uniquement 4 dirhams par jour". En gros, «on n’est pas loin de l’esclavagisme, et très loin de la dérogation prévue par le Code du travail marocain» s’indigne Telquel.

En effet, celui-ci n’inclut pas le travail domestique…Du coup, il est difficile de venir à bout de ce phénomène, d’autant plus que les inspecteurs du travail ne peuvent pas, jusqu’à présent, violer l’intimité des foyers pour s’assurer du bon (ou mauvais) traitement infligé à ces enfants. Les abus de toutes sortes sont légion : cela va aux ’’simples’’ coups de pieds en guise de réveil le matin, aux pires sévices sexuels, en passant par la torture morale. Condamner les responsables est une tache ardue étant donné qu’il est presque impossible pour ces petites victimes de prouver quoique ce soit. Presque, parce que certains cas, extrêmes, certes, ont pu être jugés ces dernières années et la presse en a largement fait écho. Cela démontre un tant soit peu que les choses commencent tout de même à s’améliorer. Les marocains prennent de plus en plus conscience qu’il s’agit d’enfants, qui ont besoin de leurs parents, d’aller à l’école, de jouer…Bref, d’avoir une vie d’enfant.

Le sondage effectué sur le site d’Aujourd’hui le Maroc montre que 83% des réactions ont appuyé l’idée de criminalisation de l’emploi d’enfants pour travaux domestiques. Cette idée suit son chemin puisque MmeYasmina Baddou, Secrétaire d’Etat chargée de la Famille, de la Solidarité et de l’Action Sociale, a d’ores et déjà affirmé que le Ministère de l’Emploi se penche sur un projet de loi dans ce sens-là. Mais les lois ayant du mal à être respectées au Maroc, encore faudrait-il accompagner cela de mesures fortement dissuasives et de bonnes campagnes de communication.

Cependant le problème demeure. Seule une pauvreté extrême doublée d’une grande ignorance peuvent pousser des parents à se séparer de leur enfant, le livrant aux mains d’inconnus qu’il devra baiser matin et soir. Il faut traiter le mal à la racine, toucher la famille rurale en premier lieu : créer des projets promoteurs de revenus, généraliser l’accès à l’eau et l’électricité, rapprocher les écoles des douars…pour qu’enfin toutes les petites marocaines aient le droit d’être des enfants.

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