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Grand Angle

L’immigration clandestine : retour sur une crise révélatrice

Il y a un mois le Maroc a fait la une des médias européens pendant plusieurs jours. La raison n’est pas la découverte de puits de pétrole quelques part dans l’est d’Errachidia, mais les attaques perpétrées par les immigrants subsahariens contre la forteresse « Europa » et ce à partir du territoire marocain. En l’espace d’une semaine l’opinion publique a vu défiler des images choquantes. Les médias européens et à leur tête les espagnols ont saisi la balle au bond pour fustiger le Maroc (on se demande pourquoi ?). Les responsables marocains, quant à eux, ont montré d’énormes lacunes dans la gestion de cette crise. L’opinion marocaine constate les dégâts et exprime ses regrets et ses frustrations. Plus de 2500 internautes nous ont livrés leurs impressions.
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Tout a commencé par les assauts lancés contre les barbelés qui matérialisent la frontière entre la misère et l’eldorado. Une frontière bourrée de capteurs électroniques et de caméras de surveillance, le tout agrémenté par les navettes de la Guardia Civil. Lors de cette nuit tragique, les forces de l’ordre, espagnoles et marocaines ont tiré sur la foule et fait plusieurs victimes. L’opinion découvre alors la situation qui prévaut dans le nord du Maroc. L’arsenal médiatique de la droite espagnole se met en branle, pas question de rater l’occasion, elle compte faire d’une pierre, deux coups : clouer le bec à Zapatero et écorner sérieusement l’image du Maroc. Elle sert les images au reste du monde. L’opinion européenne les consomme avec gourmandise. Pendant ce temps les responsables marocains étalent leurs incompétences sur tous les plans. La télé nationale est aussi sélective que ses consoeurs espagnoles.

Et le citoyen marocain dans tout cela ? Il s’en « balance » ? Pas si sûr ! Les réactions les plus vives viennent des marocains de l’étranger. L’ATMF (associations de travailleurs maghrébins de France) est la première à dégainer : « Nous tenons pour responsables de cette tragédie le gouvernement espagnol et l’Union Européenne, mais également les autorités marocaines ». Des réactions plus anonymes fleurissent sur les sites Internet. L’hypersensibilité des marocains du monde à cette question vient de leur statut de migrant, Imad souligne que «Nous sommes tous des immigrés clandestins d'une manière ou d'une autre ». L’exploitation médiatique des images venues du Maroc a aussi amplifié la colère des marocains qui dénoncent une tentative de diversion de la part de l’Europe, un autre internaute remarque que « les spanish ne sont pas aussi tendre, sauf qu'eux ils sont assez intelligent pour le faire à l'abri des cameras ».

Le piège européen s’est refermé sur des responsables marocains peu habitués à ce type de crise. Les internautes sondés sont 54 % à considérer que le Maroc est victime du piège européen et du chantage sur les dossiers sensibles tels que le Sahara ou l’aide au développement. L’annonce faite par la commission européenne concernant son intention de débloquer 40 millions d’euros pour aider le Maroc à faire face à l’immigration illégale a déclenché les conclusions hâtives. L’ATMF ne manque pas l’occasion pour fustiger le « marché » : «les autorités marocaines assument pleinement leur rôle de gendarmes de l’Europe sous l’impulsion des directives et des subventions européennes. », sauf que l’argent en question n’a jamais été versé au Maroc. Pour l’opinion africaine et européenne le Maroc a accepté de faire « le sale boulot » moyennant finance ! Pendant ce temps, nos responsables et à leur tête le ministre de la communication ne bronchent pas. Une semaine plus tard, les caméras sont parties et le dossier ne fait plus l’actualité des médias européens. Pour notre gouvernement, c’est une partie de rame qui commence. Allez donc expliquer au monde que vous n’avez pas expédié des gens démunis dans le désert sans eau et que les 40 millions n’ont jamais été « encaissé » ! Nabil Benabdellah, le vindicatif ministre de la com, arrive à Paris, devant la presse étrangère « essentiellement arabe ».Il use de la rhétorique habituelle et se montre convaincant. Mais petit hic, aucun journaliste « faiseur » d’opinion, parmi ceux qui ont sévi contre le Maroc n’est de la partie. Ni les services de communication de l’ambassade du Maroc ni ceux du ministère lui-même ne se sentent concernés. L’assemblée verse dans l’autosatisfaction « le ministre a été bon ».

Si les internautes sondés dénoncent majoritairement le piège européen, ils sont également révoltés par le traitement réservé aux immigrants, ils sont 17 % à dénoncer l’Etat brutal qui a tant sévit dans le passé «on doit dénoncer avec la même vigueur la politique de Lhrawa (bâton) qu’applique le gouvernement marocain à l’égard de nos frères africains ». Le sentiment de honte revient souvent dans les témoignages, un internaute confie « J'ai honte de voir des personnes si vulnérables subir des humiliations de la sorte dans un pays dit musulman ». Les fameuses expéditions folles vers la frontière algérienne, entreprises par des autorités en mal d’inspiration coïncidaient effectivement avec le début du ramadan.

Le Maroc accorde une place particulière au partenariat avec ses voisins d’Afrique noire, les agissements des autorités sous la pression de l’Europe ont semé le trouble dans l’esprit d’une opinion subsaharienne acquise au Maroc. Un sondage réalisé par l'Institut français Immar peu avant les événements de Sebta et Mellilia démontre l’excellente image dont jouit le Maroc au Sénégal, Mali, Cameroun que l’hebdomadaire Jeune Afrique qualifie de « euphorie pro-marocaine ». Les marocains accordent également une place particulière à des pays qu’ils considèrent proches comme le Sénégal. D’où la colère et l’incompréhension, pour Ali « Nos frères africains humiliés par les autorités marocaines doivent en ce moment ressentir de l'écoeurement à l'encontre de notre pays, et ils ont raison ! Mais qu'ils sachent que tous les marocains ne sont pas des assassins et que beaucoup d'entre nous se sentent solidaires ». Mustapha, lui, craint les retombés négatives : « Dans cette affaire il n y a pas de place aux excuses, le Maroc n’a aucun intérêt à jouer le flic pour le compte de l’Espagne, bien au contraire. Avec ce comportement, l’image du Maroc en Afrique et même en Europe prendra un coup et il faudrait des années pour la retrouver… ».

Enfin, ils sont 19% à considérer que le Maroc n’a pas d’autre choix et qu’il fait ce qu’il doit faire. Fadoua explique l’équation que le Maroc doit résoudre « Faire comme auparavant et laisser les espagnols se débrouiller tous seuls, dans ce cas tout les pays européens auraient condamné le Maroc pour aide passive à "l'envahissement" de l'Europe avec un risque de sanctions économiques. Tout le monde se souvient quand Aznar a été le premier à défendre au sein de l'UE l'idée de sanctions contre les pays qui encouragent l'immigration clandestine en 2003 ». Un autre internaute affirme « Je ne connais aucun pays qui accueillent les clandestins avec des dattes du lait et des fleurs. Il suffit de parcourir le net pour voir aux usa, en Europe voir même en Afrique, des immigrés clandestins, menottés et conduits brutalement en dehors des frontières ».

Cette crise a été mal vécue par les marocains à plusieurs titres. Le rôle de gendarme que le Maroc doit assumer est rejeté violemment. L’attachement des marocains aux peuples du sud du Sahara renforce ce rejet. Le rôle des médias occidentaux qui consiste à se racheter une virginité, ceux-là même qui ne cessent de rendre l’immigration la source de tous les maux, se sont découvert une fibre humaniste sur les terres marocaines. Les responsables marocains ont encore brillé à tous les niveaux, le préfet chargé de l’immigration clandestine au ministère de l’intérieur reste fidèle aux vielles pratiques du makhzen, pendant que le ministre de la communication admet clairement les erreurs des autorités, le préfet campe sur ses positions ! Le plus étonnant c’est que les responsable du spectacle affreux, offert aux caméras du monde entier, continuent paisiblement leurs chemin. A croire que notre pays ne tire aucune leçon. La classe politique, paradoxalement, est moribonde alors que la liberté d’action n’a jamais été aussi importante ! Comment se fait il qu’aucun parti (en dehors des nostalgiques de l’URSS) n’ai demandé une commission d’enquête parlementaire ? Les victimes par balles sont une réalité, l’expédition vers Bouaarfa en plein ramadan dans des conditions indignes est aussi une réalité. Les bourdes sur le plan de la communication et le cadeau offert au Polisario et sa bande de manipulateurs sont criants.
Mais qui est responsable de ces calamités ? Personne ! On ne change pas une équipe qui perd.

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