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Interview

Abdelkrim Tajiouti - Artiste plasiticien : "Mes oeuvres sont contemporaines"

"Ne jamais prendre de pincettes avec la réalité", voilà le mot d’ordre d’Abdelkrim Tajiouti. Du 27 mars au 19 avril, le plasticien expose ses oeuvres à la Galerie Nadar de Casablanca.
Après l'Europe et l'Amérique cet artiste présente ses travaux pour la première fois au Maroc, son pays d'origine.
Né en France, d’une famille amazigh, Abdelkrim Tajiouti, saisi la réalité, la capte et la malmène. Ses interrogations et préoccupations principales : la terre d’accueil, les frontières, la perte d’identité ou encore la guerre. Entretien.
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Temps de lecture: 3'
- Yabiladi : Quand avez-vous décidé de devenir plasticien ?
- Abdelkrim Tajiouti :
On ne décide pas de devenir artiste du jour au lendemain.
Je pense que pour devenir artiste il faut aimer les belles choses. Dans mon cas, j’ai appris la peinture, le dessin. Très vite, je me suis rendu compte que ces modes d’expressions avaient des limites. Comme j’avais envie d’aller plus loin, je me suis mis à utiliser différents supports, des objets, des vidéos…
Et puis du jour au lendemain, quelqu’un vient vous voir et vous dit « vous êtes plasticien »… Je suis allé voir dans le dictionnaire et je me suis dit « oui, voilà c’est ça, je suis plasticien »…

- Quel a été votre parcours ?
- Après le Bac, j’ai fait les Beaux Arts. Une formation classique que j’ai arrêté au bout de deux ans pour faire mon service militaire. Ensuite je n’ai jamais repris les cours parce que je n’apprenais plus rien. Et là, je me suis vraiment lancé dans l’art en faisant de petites expositions en France. Au début, je faisais du surréalisme et depuis j’ai beaucoup changé…
Ensuite j’ai appris en voyageant. Au Mexique, par exemple, j’ai appris la gravure et la sculpture.

- Comment peut-on qualifier vos œuvres ?
- La meilleure façon de les qualifier c’est de dire qu’elles sont contemporaines, qu’elles sont en phase avec notre époque. Que se soit sur le fond ou sur la forme.

- Quels sont vos liens avec le Maroc ?
- Je vis et je travaille en France mais le Maroc reste mon pays d’origine. Je suis très lié au Maroc par ma famille. En ce qui concerne mes travaux, je travaille sur des thématiques qui concernent le Maroc, comme les frontières, le déracinement, le mythe du retour pour le marocains de l’étranger, entres autres…
Je suis un marocain d’ailleurs, c’est bizarre de se sentir français au Maroc et marocain en France. C’est pour cela que je travaille souvent sur la dichotomie. Dans mes travaux, il m’arrive régulièrement de faire des personnages séparés, coupés en deux. Je fais souvent des œuvres en deux parties…

- Quels liens gardez-vous avec vos origines amazighs ?
- C’est vrai que je suis berbère et marocain. C’est un double déracinement… Mais je pense que mon « côté berbère » ne se ressent pas vraiment dans mes œuvres. Cela peut paraître prétentieux mais mon travail est plus universel que français, marocain ou amazigh. Aujourd’hui, un artiste n’a plus de nationalité. Il appartient au monde entier. L’artiste est mondialisé comme tout produit commercial. De toute façon, je pense que l’art s’est mondialisé bien avant l’économie.

- Que ressentez-vous à quelques jours de votre exposition ? Avez-vous des appréhensions ?
- Je suis très heureux de faire une première exposition au Maroc. C’est très excitant mais je ne sais pas du tout à quoi m’attendre.
Pour moi, ça sera une réussite si cette exposition permet à quelques personnes de découvrir l’art contemporain. Il faut vraiment que les marocains découvrent autre chose que le folklore et l’art pictural pur...
C’est également intéressant de confronter la vision du monde d’un marocain de France avec celle d’un marocain du Maroc. J’ai hâte de vivre cette confrontation.
Il y a eu un saut entre l’époque de Hassan II et celle de Mohamed VI. C’est d’autant plus intéressant de montrer ces œuvres dans un Maroc en pleines mutations économiques, culturelles et sociales. Aujourd’hui, on peut vraiment faire la même exposition à Casablanca, à Paris ou à New York. Il y a le même genre de retentissement. Ca c’est une vraie réussite pour le royaume.

- Que va-t-on découvrir à la Galerie Nadar ?
- Pour le savoir, la seule solution c’est de venir voir les œuvres. En plus, la plupart des pièces a été spécialement conçue pour cette exposition.

- L’Art contemporain, c’est très particuliers. Comment pensez-vous que les marocains vont prendre vos œuvres qui sont très contemporaines?
- Ca sera exactement comme partout ailleurs dans le monde. Je pense qu’il n’y a pas de différence entre un marocain, un français ou un chinois devant une œuvre contemporaine…Certains vont trouver ça bizarre et anecdotique. Ces mêmes personnes vont penser que ça n’est pas de l’art. Au contraire, d’autres vont être intrigués, ils vont se poser des questions…

- Est-ce que vous avez conscience que certaines de vos œuvres puissent déranger…
- Oui bien sûr. J’en ai conscience mais je préfère voir une personne qui prend du recul et se pose des questions devant une œuvre. Il faut aller outre le beau. Je pense que l’art ça n’est plus QUE le beau… Déranger c’est parfois le prix à payer pour parler de certains sujets tabous de la société.

- Quels sont vos projets ? Avez-vous des envies folles ?
- Dans un futur proche, j’ai une exposition prévue à Paris au Salon international du dessin au mois d’avril. J’ai d’autres projets dans les pays du Golfe mais rien n’est fait…
J’aimerai aussi revenir au Maroc pour montrer d’autres œuvres. Des pièces monumentales mais là c’est pareil tout ça reste au stade de projet...

:: Pour découvrir les oeuvres de Abdelkrim Tajiouti, visitez son site web : www.tajiouti.com

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