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Interview

Saïd Essoulami - CCME : "C'est un Conseil qui a une mission royale"

Saïd Essoulami, Marocain résident entre Londres et Casablanca, expert en matière du respect des libertés dans le monde arabe, s’exprime sur le Conseil de la Communauté Marocaine résident à l’Etranger (CCME) et sur l’environnement politique de cette instance…étatique.
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Temps de lecture: 4'
- Yabiladi.com : Avec le recul et compte tenu de la tournure des évènements, était-il nécessaire que le Maroc crée une instance destinée aux MRE?
- Saïd Essoulami :
Nous ne savons rien du programme de travail du Conseil des MRE. De facto, il est difficile de juger de sa nécessité ou pas. Je pense que l’existence du Conseil est importante pour le Roi et les autres départements ministériels qui interviennent au niveau de la communauté marocaine à l’étranger. Il sera essentiellement un Conseil de recherche et de propositions. Il n’aura pas le pouvoir de décision ni de mise en valeur de ces décisions. Vu sa constitution, ce n’est pas un conseil qui représente les MRE, car il n’est pas indépendant de l’Etat et sa légitimité, il la tire du Roi et non pas des urnes.
C’est le Roi qui a nommé les membres et il faut savoir qu’il est difficile de demander au Roi de justifier ses choix. Alors arrêtons de demander de savoir ces critères ! Il n’y a que le Roi et Driss Yazami qui les connaissent. Et même Driss Yazami ne maîtrise pas tout, comme la désignation de certains membres, je suis convaincu qu’ils n’étaient pas de la liste initiale et il ne les a jamais rencontrées auparavant. Ce n’est pas lui qui va choisir les 14 membres qui manquent.
Je pense qu’une instance de réflexion et de proposition est nécessaire pour l’Etat afin d’établir une stratégie envers les MRE.

- Les rangs des mécontents ne cessent de gonfler. Est-ce une réaction à une auto-légitimation (chacun penser être coopté) ou le résultat de travaux mal conduits, un manque de transparence, un déficit d'information,...
- Ce sont tous ces facteurs. Tout d’abord, il faut qu’on soit d’accord pour que tout un chacun qui appartient à la communauté des MRE, a le droit de proposer son nom, d’être nommé s’il pense qu’il a le temps et la capacité de travailler pour les MRE. Les mécontents ont posé des questions légitimes telles que sur la transparence des critères de nominations. Il est inconcevable d’accepter quelqu’un qui nous représente sans qu’on sache sur quels critères il a été nommé. Ce n’est pas de la démocratie. Celui-là peut être considéré comme imposé. Pour éviter les conflits, il faut le considérer comme le représentant de l’Etat. Un point, c’est tout. Je n’ai pas vu les résultats des travaux ou des consultations.
J’ai participé à un atelier à Rabat sur la communication et les médias et je suis sorti écœurer par l’organisation, le comportement des animateurs et le niveau des débats. J’ai senti que l’intention n’était pas de sortir avec quelques choses de concrets, mais de passer le temps et que les choses avaient été déjà définies au préalable. Je pense aussi que le CCDH, qui a porté l’initiative, tenait un discours aux marocains et il préparait autre chose. Le CCDH n’a pas été transparent et il a privé les marocains de leur droit de savoir. Le CCDH institution nationale des droits humains, viole un droit fondamental, celui du droit a l’information.

- Selon vous, ce conseil dit de représentation, est-il un simple instrument au service de l'Etat?
Ce n’est pas un Conseil qui représente les MRE auprès du gouvernement et du parlement. Il faut que cela soit clair. C’est un instrument de gestion politique de la question MRE. Un conseil qui centralise les informations, conduit des recherches, organise des séminaires, et propose des solutions. Son domaine d’intervention n’est pas limitée à une question ou à une autre. Il peut intervenir dans tous les aspects de la vie de MRE, au Maroc et ailleurs. C’est un conseil qui a une mission royale. Il ne représente pas la voix des MRE.

- Si tel est le cas, comment la communauté peut-elle se faire entendre?
C’est le problème ! Je crois qu’avec ce Conseil, la communauté ne se fera entendre que lorsqu’on lui demandera de parler. Je connais Driss Yazami et je pense qu’il a déjà fixé les interlocuteurs des MRE, les groupes de travail et les consultants. La communauté devrait créer ses contre-pouvoirs et ne pas mettre toute son énergie sur le Conseil. C’est l’occasion des individus, des associations petites et grandes de s’organiser, d’avancer au niveau de la réflexion et sur des projets précis.

- La dimension sécuritaire semble avoir animé la construction de ce conseil ? Qu’en pensez-vous ?
- Je ne pense pas que le Conseil a une fonction sécuritaire comme la DGED par exemple. Mais il est possible que son intervention concerne aussi la radicalisation idéologique et politique de certaines franges des MRE. Il devrait réaliser des recherches de terrains pour proposer des mesures sur l’encadrement de la sphère religieuse des MRE. En ce qui me concerne, j’aimerai bien savoir ce qu’il adviendra de ce genre d’études. Je pense qu’elles ne verront jamais le jour.

- Le double objectif que s'est fixé le conseil, par la voix du Roi, à savoir le renforcement de la communauté dans les pays de résidence et la création d'un corps électoral, est-il réalisable?
Il faut arrêter de rêver. Le Conseil que nous avons sera le même dans le futur. Il n’y aura pas d’élections. Si on arrive à organiser des élections pour le Conseil pourquoi pas pour le Parlement ? Les mêmes raisons que le gouvernement a avancé pour ne pas organiser les élections parlementaires dans les pays de résidence des MRE seront utilisées pour le Conseil. Le second objectif, celui de renforcer la communauté dans les pays de résidence ne dépend pas du Maroc. Des facteurs complexes concourent a cet objectif et dépendent essentiellement du bon vouloir des gouvernements, des partis politiques, des populations, des médias, des institutions diverses qui se trouvent dans les pays de résidence. Il n’y a pas de solutions magiques.

- Et enfin, un mot sur le "statut" de ministre pour El Yazami et de Secrétaire d'Etat pour Boussouf? Car aujourd'hui nous avons deux "ministres" et un Secrétaire d'Etat (Ameur, Yazami et Boussouf), en charge des MRE, ça fait beaucoup, non?
D’abord ceci prouve que ces nominations sont logiques par rapport à la nature et la fonction du Conseil et prouve la thèse que celui-ci ne représente pas les MRE. S’il y avait eu des élections libres, il se peut que Driss Yazami et Abdellah Boussouf ne soient pas élus. Si Driss Yazami est nommé pour un mandat de six ans renouvelable, l’objectif des élections dans quatre ans me parait impensable.

CCME
Auteur : mkmir
Date : le 04 février 2011 à 15h25
Cet entretien est pertinent. Essoulami montre avec objectivité qu'il ne faut rien attendre de ce CCME.
Preuve ne est qu'on ne peut représenter le haut et le bas à la fois.
Pourtant, sans me faire aucune illusion, j'avais tout de même pensé que Driss El yazami avait une certaine capacité à ouvrir des débats, et surtout faire participer plus de monde. Mais force est de constater définitivement qu'il n'en est rien. Comme tout un chacun, je connais beaucoup de Marocains en mesure d'apporter une vraie valeur ajoutée à la reflexion. Mais El Yazami les a évités avec ruse et minutie...
Les rares fois où je l'ai entendu parler ou l'ai lu, je n'ai rien vu d'autre en lui qu'un représentant de l'Etat marocain. Et jamais au granbd jamais je ne l'ai entendu porter avec quelque force les vraies revenidications et les vraies visions des Marocains de l'étranger.
Comme quoi le pouvoir ça aveugle.
PS : au Maroc il y a un vieux proverbe aaroubi qui dit "quand Dieu veut punir les fourmis, il leur fait pousser des ailes...

Mustapha Kharmoudi
écrivain
dernière publication "la saison des figues", editions de l'Harmattan, 2010.
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