Au sujet de l’immigration, la France a du mal à trouver une orientation définitive. Un rapport remis au Premier ministre Jean Marc Ayrault va bousculer bon nombre de certitudes. Réparti en cinq volets à savoir «Faire société commune», «Habitat», «Protection sociale», «Connaissance reconnaissance» et «Mobilités sociales», ce rapport a l'ambition d'orienter la stratégie du gouvernement. Selon les experts qui l'ont réalisé, il servira de base à une «vaste réforme de la politique d'intégration».
En tout cas, aux premières vues, la France entend adopter une nouvelle approche de l’immigration. Celle-ci passera notamment par l’élimination des discriminations envers les immigrés et favoriser, non pas leur intégration, mais leur «inclusion sociale». A Matignon, cette politique sociale en matière migratoire est d’ores et déjà bien ficelée. «On veut changer la manière d'aborder l'intégration. On s'oriente vers une politique fortement ancrée sur l'égalité des droits et la lutte contre les discriminations», note-t-on sur Le Figaro.
Comme le souligne L’Express, le rapport propose de créer une «gouvernance de l'Etat» pour lutter contre les discriminations à travers la mise en place des organes dédiés. Il s’agira entre autres d’une autorité indépendante de lutte contre les discriminations sociales et ethno-raciales, d'une instance de pilotage des politiques publiques en la matière, d'un institut nationale et d'un fond d'investissement. En outre, l’Etat projette d’inclure dans la loi un délit de harcèlement racial ainsi qu’une «Cour des comptes de l'égalité».
Voile et langue arabe à l’école ?
Si le rapport comporte plusieurs terminologies quelque peu difficiles à cerner, il n’en demeure pas mois qu’il devrait apporter un changement tangible. Pour ce faire, le processus sera déclenché dès l’année prochaine lors d’une réunion sur le thème de l’intégration qui rassemblera, début janvier, une partie du gouvernement autour du Premier ministre. Dans ledit rapport, les experts des questions migratoires ont proposé de revoir l'ensemble des circulaires et textes de loi «qui comportent des mesures discriminatoires ou dont les effets induits sont des processus discriminatoires».
Pour ces experts, les nouvelles orientations passent d’abord par l’école. Ainsi, dès la maternelle, les enfants pourraient avoir des programmes concernant «l'altérité, l'identité, les questions de genre, la religion». Au sujet des grands changements prévus, l’enseignement des langues étrangères, notamment l’arabe, est envisagé. Il s’agit là de reconnaitre la diversité linguistique et culturelle de la France. D’après ces experts, «la France doit assumer la dimension arabo-orientale de son identité», «valoriser l'enseignement de l'arabe» et «proposer l'enseignement dès le collège d'une langue africaine». En outre, le rapport préconise de mettre fin à l’interdiction du voile à l’école. Cela pourrait être la suite logique de l’enseignement de l’arabe.
Mieux, les experts souhaitent voir un nouveau panthéon qui regroupe des figures censées incarner les grands mouvements, les époques et les dynamiques plurielles de la société. Cette mesure devra être renforcée par un changement de nom ou l’adoption de nouvelles rues, prenant en considération l’immigration. Aussi, il a été prévu de créer un musée des colonisations, qui pourrait s'installer dans l'hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris.
Division et scepticisme
Si les intentions du gouvernement ont été saluées d’un côté, elles suscitent toutefois des inquiétudes de l’autre, surtout avec la montée du Front national et l’approche des élections municipales. Ainsi, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) qui milite contre le racisme a déjà exprimé son scepticisme quant à l’aboutissement de ce rapport. «J’appelle le gouvernement à clarifier le plus rapidement possible sa position pour ne pas réarmer le Front national, pour ne pas diviser les Français sur cette question… j’ai peur qu’on enflamme la situation à quelques mois des élections municipales», a réagit Patrick Lozès sur France info.
D’autres voix se sont déjà élevées contre les intentions du gouvernement d’Ayrault, comme le souligne France inter. Selon Thierry Mandon, le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, il faut «faire le tri entre une démarche salutaire et des propositions parfois jusqu'au-boutistes». Pour Mandon, il n'est pas «envisageable que l'on revienne sur la loi sur le port du voile à l'école». Si Jean François Copé dénonce une volonté «d'ériger le communautarisme en nouveau modèle pour la France» et des «considérations électoralistes», l’ex-Premier ministre UMP François Fillon, a indiqué que ces rapports «s'inscrivent dans la logique d'une France communautarisée et désunifiée». Plus tard, Ayrault lui même a tenun à clarifier : «ce n'est pas parce que je reçois des rapports que c'est forcément la position du gouvernement». A l'entendre, la France ne veut «évidemment pas» le port du voile à l'école.
Tout compte fait, ce rapport visant «l’inclusion sociale» devrait constituer un grand bol d’air pour les étrangers. Il intervient à un moment où les actes de racisme contre les étrangers, notamment les musulmans, sont devenus monnaie courante. Pour rappel, un projet d’interdiction du port du voile dans les universités, lancé par le Haut conseil à l’intégration supprimé en 2012, avait soulevé le tollé en France. Mais le gouvernement avait procédé à la mise sur pied d’une charte de la laïcité visant particulièrement la communauté musulmane. Entre ces mesures et la sortie de ce rapport, le virage a de quoi surprendre.