Le Maroc a organisé, mardi, au siège des Nations unies, un débat sur «l’Afrique au-delà de 2015», rapporte Le Matin. La rencontre s’est tenue en marge de la 68ème session de l’Assemblée générale des 193 Etats membres de l’ONU sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
S’inscrivant dans le cadre de la réflexion prospective menée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) sur «le Maroc 2030 dans son environnement géostratégique», le débat a été présidé par le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi Alami. Plusieurs ministres africains, hauts responsables onusiens, diplomates et personnalités y ont participé. Il était question de discuter, entre autres, de l'état d'avancement de la mise en œuvre des OMD en Afrique et de l'agenda de développement au-delà de 2015, à la lumière des expériences de pays africains tant sur le plan économique, politique, que social. «Le Maroc partage avec ses pairs africains la volonté et l'ardente obligation de réaliser une croissance économique forte au service d'un développement humain et d'une cohésion sociale durable», a déclaré M. Alami.
Action purement stratégique
Le politologue marocain Mohamed Darif voit en cet événement une action purement stratégique. Et si l’on pourrait y voir la volonté du Maroc d’asseoir sa politique africaine, il va plus loin : «Les initiatives actuelles du Maroc s’inscrivent dans le cadre de la redynamisation de sa nouvelle politique. Mais surtout, il cherche à constituer un nouvel axe fort en Afrique, afin de faire face à l’axe traditionnel», affirme à Yabiladi ce spécialiste de la politique.
En effet, l’axe fort traditionnel de l’Afrique est constitué de l’Algérie, le Nigéria et l’Afrique du Sud. «Jamais on n’a réussi à créer un autre axe», relève le politologue. Pourtant l’axe traditionnel est hostile à l’intégrité territoriale du Maroc. En d’autres termes, il n’a jamais accepté la marocanité du Sahara. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Maroc s’est retiré de l’Union africaine en 1984 et c’est à partir de ce moment que le Maroc a commencé avec «la politique de la chaise vide» en Afrique.
Rabat a réussi sur les différents volets stratégiques, maintenant place au politique
Cependant dès son accession au pouvoir, le roi Mohammed VI entreprend d’y mettre fin. «La vision du roi a commencé à se concrétiser à travers le volet humanitaire avec l’aide aux pays en difficulté, le Mali et Niger notamment», explique M. Darif. «Est venu ensuite le volet économique», ajoute-t-il. En effet, le monarque a encouragé les entreprises marocaines à investir dans le continent. «Un investissement très apprécié dans ces pays», lance le politologue. D’ailleurs, cette ouverture sur l’Afrique s'est avérée être d’un grand secours pour les grandes entreprises chérifiennes, notamment les banques, qui arrivent à amortir le choc de la crise grâce à leurs filiales subsahariennes.
Le troisième volet sur lequel Rabat s’est appesanti, selon M. Darif, concerne la diplomatie. «Il vrai que le Maroc est toujours en dehors de l’UA, mais il a essayé de consolider ses rapports avec les pays africains», estime-t-il. Le religieux aussi, bien qu’existant depuis longtemps, a été renforcé ces dernières années, avec notamment la formation au Maroc des imams maliens.
Rabat a-t-il les moyens de créer un nouvel axe fort ?
Outre cela, Le politologue évoque le volet sécuritaire avec la lutte contre le terrorisme. «Le Maroc a souffert de la politique algérienne de gestion du terrorisme dans la région. Mais malgré cela, Rabat a réussi à affirmer sa politique», explique M. Darif, soulignant que le royaume «était parmi les pays qui ont soutenu la France au Mali»
Dans le cadre du débat de New York, «on constate que le Maroc veut mettre comme un point d’honneur au volet politique», remarque le politologue, soulignant que «cela fait longtemps que le Maroc cherche à recomposer l’axe fort». Mais, selon Mohamed Darif, la question qu’il faut se poser est de savoir si Rabat a assez de moyen pour cela.