«Au Maroc, un pays où la censure et la propagande encerclent l'expression. Des jeunes réalisateurs et techniciens de cinéma se sont réunis et ont décidé de partir en tournage sans autorisation, en prenant leurs caméras comme armes. Une expérience cinématographique résistante pour un art libre». C’est avec ces mots que les deux jeunes réalisateurs marocains Hamza Mahfoudi et Younes Belghazi, parlent de leur nouvelle production, mise en ligne le 7 septembre dernier.
Il s’agit de «Basta», un film-documentaire de 30 minutes, filmé entre Rabat, Larache et Tifelt, sur la situation actuelle de la production cinématographique au Maroc. Les images en question ont été filmées pendant le tournage de deux autres reportages, en l’occurrence «475», de Nadir Bouhmouch, retraçant la tragédie d’Amina El Filali et «LMask», qui revient sur la condamnation pour trafic de drogues de Driss Bouterrada, membre du Mouvement du 20 février qui avait imité le roi lors d’une manifestation à Rabat, en décembre dernier.
«La caméra est notre œil»
Au cours des deux tournages, ces jeunes marocains ont dû faire face à de nombreuses formes de censures. Cela ne les a pas empêché, toutefois, de venir au bout de leurs projets. «La caméra est notre œil. Ils peuvent nous la confisquer ou nous arrêter. Et s’ils nous ferment les yeux, on continuera de goûter, d’écouter et de parler», préviennent-on d’emblée dans le film.
Par cette déclaration, ces jeunes visent principalement le Centre cinématographique marocain (CCM), qui a officiellement pour rôles «l'organisation et la promotion de l'industrie cinématographique au Maroc». L’institution est également là pour fournir les autorisations de tournage, à des conditions.
Pas d’autorisation
«Quand on a commencé à tourner 475, nous savions déjà que nous n’aurions jamais l’autorisation du CCM. On savait aussi qu’on ne la voulait pas», explique Younès Belghazi, dans Basta. Ce dernier, accompagné des autres membres de l’équipe, s’est rendu tout de même aux locaux du CCM pour faire une demande officielle pour une autorisation de tournage. Cependant, une fois sur les lieux, ces jeunes ont eu du mal à trouver des «responsables». La séquence a été filmée en caméra cachée.
«Quand nous sommes partis sur place, nous étions choqués de voir que tous les bureaux étaient vides. Cela montre que le CCM est une institution qui n’a pas de sens, qui est là, qui existe, mais qui ne fait rien pour le développement de la production cinématographique au Maroc. Elle ne fait que bloquer. C’est un mur pour que toute production cinématographique qui peut aider le peuple ne voit jamais le jour», poursuit Younes Belghazi.
Le CCM n’a, pour l’instant, pas réagi au film. Outre la censure dans le cinéma, «Basta» aborde également plusieurs autres facettes de la société marocaine. Il est disponible gratuitement en ligne, depuis, le 7 septembre dernier.