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Grand Angle  

Maroc : La politique de prix des cigarettes en désaccord avec le programme mondial de lutte contre le tabagisme ?

Le Commission d’homologation des produits de tabacs manufacturés vient de livrer la nouvelle liste des prix des cigarettes. Cependant celle-ci montre clairement que les Marocains auront désormais le choix entre plusieurs marques à bas prix. Si l’opérateur historique dénonce un «dumping», l’autre aspect, on ne peut plus important, réside dans la question de la santé publique. Les tarifs des cigarettes au Maroc semblent enfreindre indirectement certains axes du programme de lutte contre le tabagisme initié par l’OMS. Détails.

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La nouvelle liste des prix des cigarettes au Maroc a été publiée, mercredi 4 septembre, par la Commission d’homologation des produits de tabacs manufacturés, rapporte L’Economiste qui en détient une copie. A première vue, l’on peut remarquer que ces prix affichent une tendance baissière, en raison de l’entrée sur le marché marocain de nouvelles marques (LD) du géant nippon Japan Tobacco International (JTI), commercialiser à 19 dirhams seulement.

Augmentation indirecte de la consommation de tabac ?

D’entrée de jeu, la chose est mal perçue sur le marché, car certains se demandent comment cet opérateur arrive à dégager de la marge en retenant un prix aussi bas, quand il doit supporter une taxe douanière de 25%. «Soit c’est de la mauvaise qualité, soit c’est importé de façon illégale», s’aventure un expert anonyme cité par L’Economiste. Chez l'opérateur historique, Impérial Tobacco Maroc (ex-Régie des Tabacs et Altadis), on crie au «dumping». En effet, cette compagnie était la seule à proposer des cigarettes à très bas coût, avec notamment sa Marquise vendue à 17,50 dirhams. 

Mais le fait est que, la loi obligeant les nouveaux entrants à vendre à un prix supérieur ou égal à 27,15 dirhams (la moyenne arithmétique des prix de vente, au public, des produits de tabacs manufacturés de même catégorie), n’est plus valable depuis le 1er janvier 2013. L’Etat avait jugé qu’elle portait «atteinte au libre jeu de la concurrence et ne respectait pas les engagements internationaux du Maroc».

Cependant, sa nouvelle politique semble soulever un autre problème. En effet, la bataille des prix désormais déclenchée entre les opérateurs revêt un caractère pervers, car elle offre désormais plusieurs choix aux usagers marocains accros à la cigarette. Et tous ceux qui, jusqu’ici était freiné par le prix de ce produit auront le choix parmi les plus bon marchés.

«Ces produits doivent normalement être le plus cher possible»

Un fait que les acteurs de la lutte contre le tabagisme n’approuvent pas. «Il faut que ces produits soient le plus cher possible afin de limiter leur accès aux enfants ainsi qu’aux adultes dépendants», déclare à Yabiladi le Docteur Youssef Chami, coordinateur du projet de lutte contre le tabagisme à la Fondation Lalla Salma Prévention et traitement des cancers. En effet, une enquête menée en 2007 par le ministère marocain de la santé révélait que 15,5% des personnes âgées entre 13 et 15 ans fument. Six ans plus tard, cette proportion pourrait être en hausse. Et si ce n’est pas le cas, le faible prix de vente de certaines marques pourrait accélerer le tabagisme dans les prochaines années. Là-dessus, nous avons tenté, en vain, de joindre le ministère de la santé, ainsi que le département de Najib Boulif qui a acté l’homologation des prix de vente des cigarettes il y a quelques temps déjà.

Dr Chami rappelle, en outre, que plusieurs études d’organismes internationaux ont démontré le lien existant entre le niveau des taxes sur les produits de tabac et leur consommation. «Lorsqu’on augmente ces taxes, l’incidence directe sur les prix fait diminuer la consommation. Si la consommation diminue, cela fait automatiquement baisser les risques de maladies», soutient-il.

D’un autre côté, souligne le Docteur, la pratique de prix de plus en plus faibles sur les produits du tabac va à l’encontre du programme MPOWER de lutte contre le tabagisme dans le monde lancé par l’OMS. «L’un des axes stratégiques de ce programme est justement d’augmenter les taxes», relève le scientifique.

Toujours dans le cadre de ce programme, les pays ont la responsabilité de tout mettre en œuvre pour éradiquer «l’épidémie du tabagisme», comme aime à le dire l’OMS dans ses communiqués. Et l'urgence ne dit pas son nom, puisque l'Organisation estime à plus de 175 millions, le nombre de personnes qui auront trouvé la mort suite à la consommation de tabac entre 2005 et 2030. 

Défi

Au Maroc, il n’existe pas de statistiques précises sur les pertes en vie humaines. Mais d'après les données de la Fondation Lalla Salma, le fléau du tabagisme concerne plus de 18% de la population des plus de quinze ans, avec 31,5% d’hommes et 3,3% de  femmes qui fument et près de 41% de la population exposée au tabagisme passif. Il en découle des maladies graves, notamment le cancer du poumon dont 90% des cas sont dus au tabac, sans parler des cas d’insuffisances coronaires (25%) dont l’infarctus. L'Etat est carrément face à un défit, celui de laisser libre cours à la concurrence entre les industriels du tabac et limiter la consommation de ce dernier.

Campagne de prévention du tabagisme de l'Association Lalla Salma

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