Dans cette affaire, il y a d'abord une réalité que ceux qui mélangent citoyenneté, patriotisme et courtisanerie ne veulent pas reconnaître : la bévue est royale. Le cabinet est responsable. Mustapha Ramid a été le premier à vouloir jouer la carte de la transparence en publiant un communiqué relatant les faits de son point de vue et dégageant toute responsabilité de son ministère dans la composition de la liste des 48 prisonniers espagnols graciés.
Comment peut-on expliquer le nombre de topics sur Facebook, de messages sur Twitter et articles sur beaucoup de sites marocains de plus en plus appliqués dans la recherche de l’information malgré le silence total des médias publics ?
Il y a d’abord un effet désastreux : une blessure profonde. Depuis des mois, les Marocains sont choqués par des médias du golfe qui présentent nos compatriotes de sexe féminin comme des prostituées en Arabie Saoudite, au Koweït, dans les Emirats, ou au Qatar ... Ils sont ébranlés par des articles récurrents sur des cas de pédophilie et de tourisme sexuel. Et voilà qu'ils apprennent que leur roi, dont ils sont fiers, gracie le violeur de 11 enfants. L’information est traumatisante. A partir de là, le silence est complice.
Une déception double
Les cyber-militants n’y voient aucun respect de la dignité des familles des victimes de ce bourreau, encore moins pour celle du peuple marocain qui a été meurtri par la révélation de l'affaire en 2011. L'indignation est d'autant plus grande qu’une chaine télévisée marocaine, Medi1tv avait consacré une émission spéciale sur cette affaire abjecte. La conscience collective est encore très marquée par les images de la reconstitution des faits dramatiques et par les douloureux témoignages des familles.
La déception est double aussi car la grâce est faite au nom du roi que la majorité des marocains respecte. Ils sont froissés et ne comprennent pas comment le cabinet d'un roi bon, solidaire, généreux peut-il autoriser et valider une telle bévue ? Le silence déroutant du Cabinet et des médias publics ne rassure personne. Il amplifie le désappointement même chez les plus monarchistes qui ne cachent plus leur amertume à travers les réseaux sociaux.
Un dysfonctionnement royal
Désigner les vrais responsables est primordial pour la crédibilité de l’institution royale mais aussi pour la marche démocratique dans le pays. Cela suffira-t-il à gommer les traces tant au Maroc qu'en Espagne ou dans le reste du monde ? Difficilement, car les citoyens ont découvert avec stupeur qu’il y a eu disfonctionnement au sein même du premier cercle, le très prestigieux cabinet royal.
Comment rassurer, comment communiquer, que faire ? Des questions que certains se posent en ce moment pour trouver une sortie honorable. Le peuple, qui fait confiance à son roi, a besoin de savoir, de tout savoir. Les approximations ou dissimulations ne sont plus permises à l'ère du "net".