Le ressortissant espagnol Daniel Galvan, condamné à 30 ans de prison pour le viol de onze enfants, a quitté le territoire marocain. Mais, son spectre continuera de hanter l'esprits des victimes ainsi que leur famille. La plaie n'avait pas eu le temps de cicatriser que la voilà réouverte par la libération de l’accusé. Une initiative qui suscite des réactions hostiles de la part d’une partie de la société civile.
AMDH : «Les ONG membre observateur au sein de la commission des grâces»
Dans des déclarations à notre site, Abdelilah Benabdeslam, le vice-président de l’AMDH dit sa «surprise qu’un violeur de cet acabit ait bénéficié de grâce, sachant qu’il n’est même pas éligible à une telle mesure. A l’AMDH, nous estimons que cette libération est contraire au respect des droits de l’Homme et constitue une atteinte à la douleur des enfants et de leurs familles». Le n°2 de l’association lance un appel à la communauté internationale en vue de protéger les mineurs du monde entier de Daniel Galvan, faisant valoir que là où se trouvera le violeur il sera «un danger réel pour l’enfance».
Benabdeslam revient également sur la procédure de grâce, appelant à sa révision en vue de permettre à la société civile d’intégrer la commission en tant que membre observateur.
Mohamed Fizazi: No comment
Mohamed Fizazi, le salafiste gracié lors de la fête religieuse de l’Aid Al Mawlid en février 2012, s’est excusé, avec des termes courtois, pour ne pas commenter la libération de l’Espagnol Danien Galvan. Il se peut que nous ayons mal choisi le moment de solliciter l’avis du religieux sur une affaire aussi délicate. Nous l'avons en effet contacté le jour où Fizazi, après dix ans d’absence, doit donner son premier prêche du vendredi à la mosquée Tarik Ibn Ziad à Tanger. Il ne voulait pas commencer son retour à la fonction par des propos qui pourraient contrarier ses supérieurs hiérarchiques.
Al Adl Wal Ihssane : «les détenus islamistes méritaient mieux la grâce»
«Nous sommes surpris par cette grâce», souligne Mohamed Salmi, membre du secrétariat général du Cercle politique de la Jamaâ, et président de son Instance de défense des droits de l’Homme. «La personne libérée ne mérite pas de bénéficier d’une telle mesure. Les détenus islamistes, Omar Mouhib (un membre d’Al Adl Wal Ihssane condamné à 10 ans de prison, les salafistes, les prisonniers d’opinion ou encore ceux impliqués dans le dossier Abdelkader Belliraj, sont mieux placés, que ce violeur d’enfants, pour retrouver la liberté de leurs mouvements», a-t-il ajouté. «Cette grâce constitue une atteinte flagrante au respect du principe de l’indépendance de la justice», déplore-t-il.
Concernant le sit-in de ce soir devant le parlement à Rabat, Mohamed Salmi assure que la Jamaâ sera présente à cet événement mais de façon «symbolique». Et d’appeler «à épargner l’octroi de grâces des considérations politiques».
Une ONG proche de l’Istiqlal : «Et si c’était des enfants espagnols ?»
Même son de cloche chez la Ligue marocaine de défense des droits de l’Homme. Mohamed Zhari, président de cette association considère que «les négociations entre le roi d’Espagne et le roi du Maroc sur cette question sont une ingérence dans la justice et une atteinte aux familles des victimes. Pour elles, la libération du violeur de leurs enfants, en ce mois de ramadan et à quelques jours de la fête de l'Aid Al Fitr, est une mauvaise nouvelle».
Notre interlocuteur a rappelé la mobilisation de la société civile lors de l’éclatement de cette affaire, saluant au passage le verdict prononcé contre l’Espagnol. «Nous avons estimé à l’époque que la sentence de trente ans de prison a rendu justice aux victimes et à notre combat», a-t-il souligné. Et de s’interroger «Et si c’était des enfants espagnols qui avaient été violés par un Marocain ou quelqu’un autre, les autorités de Madrid accepteraient-elles une telle libération ?».
L’avis de Mohamed Anbar, un magistrat
Le vice-président du Club des magistrats s’est contenté de livrer un avis juridique sur cette affaire. «Les demandes de grâces sont formulées par les détenus, leurs avocats ou les directions des prisons. Une commission composée de plusieurs membres dont des représentants du ministère de la Justice, des juges, du cabinet royal et sous l’ère de feu Mohamed Bouzoubaâ (ancien ministre de la Justice sous le gouvernement Driss Jettou, deux hauts cadres du département de l’Intérieur siègent également au sein de ladite commission».
Et de poursuivre que «sont exclus de la liste de l’examen des sollicitudes, les personnes condamnés pour atteinte aux valeurs sacrées de la nation (monarchie, religion, drapeau et atteinte à l’intégrité territoriale, ndlr), trafic de drogue et dans les affaires touchant à l’opinion publique, comme c’est le cas de l’Espagnol. Une fois le travail accompli, les dossiers sont envoyés au cabinet royal pour prendre la décision finale». Le juge Anbar note que «c’est très rare qu’une demande refusée par les membres de la commission ait été acceptée par le cabinet royal. Aujourd’hui, il y a une information qui circule avançant que l’Espagnol serait atteint de cancer. Dans ce cas, le critère de sa maladie a-t-il été soulevé avant la grâce ou alors c’est juste pour la justifier ?».