Ainsi les crises ont-elles le pouvoir de briser les grandes certitudes… Surtout celles qu’on dit modernes. Ce sont les guerres que de véritables stratégies de la haine auront transformées en guerre contre l’Humain lui-même…
Ces charniers, ces montagnes de morts, qui enterrèrent en Europe, l’idée de Progrès… Et de Bien… Remplacés par le Développement et le Bien-être… Le pouvoir d’achat… Devenus l’objet du désir des sociétés et la nouvelle promesse du Politique. Et les voilà qui s’effondrent aussi.
Retournement. Renversement.
Voilà qu’il viennent chez nous, ceux qu’on avait cru les enfants chéris de la social-démocratie européenne, ils viennent, ici. Ils peuvent être Espagnols, migrant vers le Nord du Royaume pour retrouver ici le travail que chez eux, ils ont perdu… Ils viennent, quitte à porter le nom de ceux qu’en cette Europe qu’ils ont fuie, on nomme travailleurs clandestins… Des ouvriers, des maçons, des manœuvres… Prenant le risque de se voir refoulés, reconduits aux frontières.
Comment ceux-là vivent-ils ? Sont-ils terrorisés à l’idée qu’on vienne les prendre dans leur sommeil ? Sont-ils la proie de passeurs iniques, ou de délateurs guettant le moment opportun pour les livrer à une police rompue au passage à tabac des africains ?
Deux poids, deux mesures
Existe-t-il entre ces travailleurs clandestins laissant derrière eux des pans entier de leurs économies nationales récemment ruinées, et nos autorités, quelques lois non écrites qui, pour l’heure passeraient sous silence, ou garderaient dans l’ombre le statut de ces demandeurs d’emploi venus de pays dont on ne tabassent pas les ressortissants, au risque de subir une détérioration des termes de l’échange commercial et diplomatique ?
Ou subiront-ils, c’est la vraie question, la violence symbolique et physique dont sont victimes d’autres Hommes, d’autres vies, venues de pays, dont les ruines sont telles qu’elles ont dévastées jusqu’à l’idée de dignité humaine.
Des ruines totales qui ont précédés depuis longtemps, celle d’une Europe – certes frappée dans son économie mais qui n’a peut-être pas fait totalement descendre l’Homme de son piédestal. Il faut espérer que la réponse soit non. Et que la traversée de ces nouveaux irréguliers soit l’occasion de rendre à tous les clandestins la dignité à laquelle on droit tous les humains.