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Tribune

Maroc : Ils ont eu leurs hooligans, nous avons nos voyous !

Depuis les événements qu’a connu la ville de Casablanca, le 11 avril dernier, avant le déroulement du match RAJA- FAR, j’ai décidé de me documenter sur le phénomène du hooliganisme et de coucher sur ce billet tout ce que j’ai pu récolter. Ce billet n’a aucune prétention autre que celle de mettre de l’ordre dans mes observations personnelles, pour me permettre ma propre lecture de ce problème. J’ai ainsi relevé quelques éléments qui m’ont paru importants, en essayant de les comparer à ce qui se passe dans notre pays.

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A/ Si l’on se contente de la définition couramment admise, le hooligan serait, selon le Petit Larousse, un voyou qui se livre à des actes de violence et de vandalisme, en particulier lors de manifestations sportives. Pour le Petit Robert, il s'agit d'un jeune asocial qui exerce la violence dans les lieux publics ou lors de rencontres sportives.

Le hooliganisme se définirait simplement comme étant «un vandalisme de groupe». Si l’on affine cette définition, on rejoindrait Manuel Comeron, qui dans une étude parue en 1997, dans la revue Déviance et société (vol 21 n° 1 – à partir de la page 97) sous le titre «Hooliganisme : la délinquance des stades de football» circonscrit le phénomène dans un triptyque précis : un moment déterminé, celui d’une rencontre sportive ; un lieu déterminé dans l’espace urbain, à savoir le stade et ses abords immédiats ; des acteurs connus comme étant les supporters déclarés de l’une des équipes en compétition, ce jour-là autour et dans un stade donné.

Au Maroc, les mouvements de foules et les actes de vandalisme, nés d’une rencontre sportive, ne se placent pas toujours dans ce triptyque. Ces actes existent même en l’absence d’enjeu (cas de Tanger et de Marrakech, où les rencontres relevaient plus de la fête et de la célébration que de la compétition, puisqu’il s’agissait de matchs de gala). Ces actes se produisent avant le match et très loin du stade (cas du dernier match RAJA-FAR) alors que le match lui-même et l’après match n’ont pas enregistré le moindre incident.

B/ Le profil du hooligan – du moins en Europe - n’est pas nécessairement lié à une situation sociale ou économique donnée des individus qui s’adonnent à ce genre de pratique. A part le fait qu’ils soient essentiellement des groupes d’hommes, les hooligans européens sont recrutés dans toutes les strates sociales. Si au début, les supporters de football étaient recrutés dans les milieux ouvriers, comme par exemple pour les clubs britanniques de Manchester ou de Liverpool, la mixité sociale a très vite cédé la place à la segmentation. On a vu ainsi le hooliganisme se propager parmi les classes plus aisées, ayant un travail salarié dans les services : pour l’anecdote, il faut signaler un pilote de ligne, parmi les hooligans arrêtés lors d’accrochages.

Au Maroc, la tendance serait, selon les informations qui circulent dans les médias -car il faut signaler qu’il n’existe aucune étude sociologique à ce sujet- que le hooliganisme est une affaire qui concerne d’une part, uniquement les jeunes et même le plus souvent des mineurs, d’autre part, des jeunes issus de milieu défavorisés. Le hooliganisme, bien au-delà de sa relation avec le football et avec le club supporté, se présenterait comme l’expression d’un mal-être social que seule la violence peut exprimer.

Ce mal-être est perceptible dans les foules des spectateurs dans les terrains de football, même en dehors d’un enjeu réel en relation avec un club donné. Les exemples les plus édifiants à cet égard sont les incidents survenus lors de l’inauguration des nouveaux stades de Tanger et de Marrakech.

C/ Le phénomène est suffisamment préoccupant pour qu’il donne lieu à une littérature académique  abondante, doublée d’œuvres de fictions dans le domaine audio-visuel (cinéma et séries).

Le phénomène du hooliganisme n’est pas nouveau dans le monde du sport et il n’est pas, bien sûr, une spécificité du Maroc. Il a donné lieu à des études sociologiques extrêmement sérieuses dont «Hooliganisme, vérités et mensonges» (Editions E.S.F. – 1999) et  «Le hooliganisme» (Editions PUF – collection Que sais-je? – 2003) de Dominique Bodin.

On peut aussi citer les livres «Hooliganisme en Europe» (Editions Athéna – 2010) et «Sport et violence» (Editions Bruylant -1998) d’Anastasia Tsoukala, maître de conférences à l’Université Paris-Sud. Des études spécifiques, concernant tel ou tel pays, sont aussi disponibles, comme l’ouvrage de Sébastien Louis à propos des tifosis italiens : «Le phénomène Ultras en Italie : histoire du mouvement des groupes de supporters-ultras de 1968 à 2005» (Editions Mare et Martin – 2006). Le cinéma s’est également penché sur ce phénomène social : on peut trouver ici une séries de productions cinématographiques, des fictions ou des documentaires, que les distributeurs et les télévisions ne se donnent pas la peine de faire connaitre.

Malgré la récurrence du phénomène sur nos stades et surtout en dehors de enceintes sportives, le hooliganisme n’a jusqu’à ce jour été traité que par les journalistes sportifs. Il n’existe aucune approche académique sur cette forme d’expression sociale : les seules analyses sont donc le fait de personnes sans aucune compétence dans le domaine. Cette carence dans l’approche  du hooliganisme se traduit finalement par la répétition de lieux communs et de poncifs concernant le sujet : sont systématiquement remises en cause les forces de l’ordre dont on reproche le laxisme. Aucune approche globale de ce fléau n’est entreprise car pour ce faire, il faudrait l’intervention et la coordination de travaux de spécialistes compétents sur les questions de société, des mouvements de foules, de la maitrise de situations de crise, de la sécurité des installations, etc.

D/ L’approche sécuritaire du hooliganisme n’est pas la sinécure. Une rapide excursion sur la toile nous donne le panorama complet des événements, parfois d’une extrême gravité, qui sont la conséquence directe des actes de hooliganisme; la tragédie du Stade de Heysel, à Bruxelles, qui a fait une quarantaine de morts parmi les supporters des clubs de Liverpool et de la Juventus, reste l’exemple le plus douloureux de ce fléau.

Des tentatives diverses ont été lancées pour éradiquer ce phénomène à travers l’Europe  et il s’est avérée que l’approche sécuritaire, relevant de la seule compétence des forces de police, n’était pas la plus adaptée. Seule une approche globale du problème permet de le circonscrire et éventuellement le réduire et l’éradiquer.

Celle solution doit inclure :

  • Les responsables des clubs qui auront la charge de d’engager et de former des agents «stadiers» qui devront  prendre en charge l’accès aux stades, les spectateurs à l’intérieur des stades, leur stricte séparation et leurs mouvements.
  • Les responsables des clubs de supporters, dont les missions consisteront à encadrer les supporters avant, pendant et après les matchs, en veillant à ce que les appels à la violence et à la haine soient jugulés, aussi bien avant les matchs par un contrôle strict des sites, des blogs au autres médias sociaux que lors des réunions d’avant match. Les supporters doivent être identifiés et connus des ces responsables.
  • Les responsables de la sécurité publique, dont l’intervention doit être strictement limitée à l’extérieur des stades afin d’éviter tout sentiment de provocation chez les supporters. Le rôle de la police consistera entre autres à canaliser les mouvements des visiteurs entre les points d’arrivée/de départ et le stade. La police devrait également s’occuper du fichage des personnes potentiellement dangereuses.
  • Les responsables de la justice, qui doivent prendre rapidement  des décisions fermes à l’encontre des fauteurs de troubles qui auront été identifiés et inculpés dans les conditions légales.

Au Maroc, il est difficile de réunir toutes ces conditions même si le fléau du hooliganisme s’amplifie de saison en saison. En effet, les clubs ont des difficultés, matérielles et financières, pour survivre dans un contexte très aléatoire où les cahiers des charges qui leur sont imposés sont d’une élasticité assez inquiétante, selon les clubs et selon les villes. Le recrutement et la formation de “stadiers” ne pourraient être assurée et cela dans des conditions plus que précaires, que par quelques rares grands clubs dotés d’un budget conséquent. Or les hooligans sont présents dans toutes les villes et supportent tous les clubs, quelque soit leur surface sportive ou financière. La plupart des supporters sont laissés à leur propre liberté, sans encadrement ni directives. Si les supporters du Raja ou ceux du Wydad sont parfois exemplaires à l’intérieur du stade, par la présentation de tifos et de chants, leur comportement en dehors du stade relève du hooliganisme pur et dur.

Les réseaux sociaux – notamment Twitter et surtout Facebook – jouent un rôle non négligeable dans la mobilisation des supporters les plus enragés et la propagation de leurs appels à la violence : rappelons que, la veille match Raja-FAR, les Black Army et les Ultra Askary ont utilisé leur page Facebook pour appeler leurs «troupes» à «l’occupation la ville de Casa» (i7tilal madinat Darbeida).

Les problèmes qui gangrènent notre société, tels que le manque de civisme et la corruption, se retrouvent forcément autour et à l’entrée des stades : l’accès des installations sportives est ainsi facilité contre une modeste «contribution» remise aux agents chargés de filtrer les spectateurs! Le resquillage, avec tous les aléas qu’il comporte, est une pratique courante car elle est facilitée par le laxisme des agents de forces de l’ordre.

Autre point que nous devons faire entrer dans l’équation de la lutte contre ce fléau : les ravages au sein de notre jeunesse  des «drogues du pauvre», telles que le karboubi. Si on oublie cet élément, toute action serait inefficace! En conclusion, je crois que tant que les médias marocains parleront d’ «actes de vandalisme» – a3mal ach-chaghab – au lieu de qualifier les actes de «hooliganisme», nous continuerons à observer ce fléau autour et dans nos stades !

Le hooliganisme est un phénomène social spécifique qui nécessite un traitement spécifique! Les pays européens l’ont compris et ont pris les mesures pour l’éradiquer! Au Maroc, comme souvent, nous sommes en retard d’une bataille : dans les stades et autour des enceintes sportives, le danger vient plus de voyous, sans foi ni loi, que de hooligans organisés.

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