Le conseil supérieur des oulémas est contre la liberté de conscience. Cet organisme officiel vient de transmettre cet avis à la Délégation ministérielle des droits de l’Homme qui prépare un rapport sur les champs des libertés au royaume. Les religieux estiment, dans une Fatwa, qu’un musulman n’a pas le droit de renoncer à sa religion, sinon il sera traité comme un apostat et du coup il pourrait être tué. Cette opinion est contraire aux engagements internationaux du Maroc, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976.
La Fatwa des religieux est contraire à l’article 18 du Pacte
En émettant une Fatwa de ce genre, le Conseil supérieur des oulémas est-il au courant que Rabat a signé ce Pacte le 19 janvier 1977 et l’a ratifié le 3 mai 1979 ? Le Maroc est, en effet, tenu de présenter des rapports périodiques, environ tous les cinq ans, au Comité de ce Pacte. Il l’avait déjà fait en 1990, 1994, 2004 et en 2008. Octobre prochain, le département dirigé par Mahjoub El Hiba devra soumettre un nouveau document à ce Comité. La Fatwa des religieux est contraire à l’article 18 du Pacte sur les droits civils et politiques, lequel insiste dans son aliéna 1 que «toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement».
Dans son aliéna 3, il précise que «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui». Et de conclure par cette injonction : «les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions».
Le Code pénal ne condamne pas l’apostasie mais le prosélytisme
Bien que l’article 220 du code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 100 à 500 dh contre «quiconque emploie des moyens de séduction dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d'enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats. En cas de condamnation, la fermeture de l'établissement qui a servi à commettre le délit peut être ordonnée, soit définitivement, soit pour une durée qui ne peut excéder trois années». Il s’agit d’un texte qui condamne plutôt les actes de prosélytisme que l’apostasie.
Au Maroc, il faut remonter bien loin au tout début du règne de Hassan II pour tomber sur la première affaire de ce genre instruite par la justice. En 1962, 14 jeunes de Nador ayant choisi d’embrasser le culte Bahaï, un courant religieux venu d’Iran, étaient ondamnés en première instances à de peines très lourdes dont trois condamnations à mort. Un verdict que la Chambre criminelle de la Cour suprême avait annulé en 1963.