La nouvelle directive prise récemment par l’Office National des Aéroports (ONDA), jugée sévère et sélective, est dénoncée par la Fédération des Associations des Loueurs de Voitures au Maroc (FALAM), qui tire la sonnette d’alarme face à ce qu’elle considère comme une menace directe pour la survie des petites structures du secteur.
Le nouveau cadre imposé par l’ONDA
Jusqu’alors, bon nombre de loueurs, notamment des TPE locales, opéraient dans un cadre flexible, permettant de livrer des voitures directement à l’aéroport à la demande des clients. Ces livraisons étaient organisées sur la base de réservations, offrant un service apprécié par les voyageurs et souvent plus abordable que celui des grandes enseignes.
La nouvelle réglementation change radicalement la donne : sans présence commerciale physique à l’intérieur des aéroports et sans convention signée avec l’ONDA, aucune agence ne pourra effectuer de livraison sur place. Ce cadre plus strict exclut de fait une majorité d’acteurs du marché.
Réaction de la FALAM : une discrimination déguisée ?
La Fédération FALAM n’a pas tardé à réagir avec fermeté. Son président, Abdellah Achnan, s’est exprimé publiquement en soulignant le caractère discriminatoire de la mesure. Selon lui, cette décision risque de provoquer une «mise à l’écart» systématique des petites et moyennes agences, qui ne pourront ni accéder aux locaux onéreux des aéroports, ni supporter les charges supplémentaires liées à un partenariat avec l’ONDA.
Dans une lettre adressée au ministère du Transport, la fédération demande l’annulation ou, du moins, la révision urgente de cette mesure, invoquant la nécessité de préserver un marché libre et concurrentiel.
Des coûts d'accès hors de portée pour les indépendants
L’un des principaux obstacles évoqués par les professionnels réside dans les prix excessifs de location des espaces commerciaux dans les aéroports. Certaines sources parlent de montants dépassant les 3 millions de dirhams pour un local. Une somme inaccessible pour la plupart des agences locales, dont le modèle économique repose sur une gestion plus légère, souvent sans structure physique.
Pour de nombreuses entreprises, l’impossibilité de livrer à l’aéroport revient à perdre jusqu’à 50 % de leur chiffre d'affaires. En effet, les aéroports constituent un point d’entrée majeur pour les touristes, mais aussi pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui réservent leur voiture avant même leur arrivée.
Les loueurs indépendants en colère
Plusieurs professionnels ont exprimé leur désarroi face à cette réglementation qu’ils estiment injuste. Mehdi, gérant d’une agence de location de voitures à Fès, explique : «Nous avons toujours travaillé correctement. Nos clients réservent via WhatsApp ou notre site web, et nous livrons les véhicules à l’heure convenue à l’aéroport. Pourquoi cette méthode serait-elle désormais interdite ?»
D’autres professionnels dénoncent un lobbying de grandes enseignes internationales visant à évincer les acteurs locaux en créant une situation de quasi-monopole dans les zones aéroportuaires.
Conséquences pour les clients : moins de choix, prix plus élevés
Au-delà de l’impact direct sur les loueurs, cette décision pourrait également pénaliser les clients. Moins d’agences signifie moins de concurrence, donc des prix potentiellement plus élevés et une offre de véhicules plus restreinte.
Par ailleurs, certains clients pourraient se voir contraints de se déplacer en taxi ou en navette pour récupérer leur véhicule en dehors de l’aéroport, perdant en confort et en flexibilité.
Une solution numérique envisagée par la FALAM
Face à ce verrouillage du marché, la FALAM propose une alternative innovante : la mise en place d’une plateforme digitale nationale, agréée par les autorités, qui permettrait à toutes les agences – même sans local à l’aéroport – d’organiser des livraisons dans un cadre régulé, transparent et équitable.
Cette solution aurait l’avantage de maintenir une saine concurrence tout en respectant les normes de sécurité et de fluidité imposées par l’ONDA.
Qu’en disent les clients ?
Sur les réseaux sociaux, les réactions des clients ne se sont pas fait attendre. Beaucoup expriment leur soutien aux petites agences, qu’ils considèrent plus humaines, disponibles et souvent plus flexibles que les grandes enseignes.
Une cliente habituée des locations à l’aéroport de Marrakech confie : «J’ai toujours préféré réserver avec des agences locales. Les prix sont plus attractifs, et le service est souvent meilleur. Interdire ces agences, c’est comme nous enlever le droit de choisir.»
Vers une refonte du modèle de régulation ?
Pour beaucoup d’acteurs du secteur, cette affaire soulève une problématique plus large : celle de la régulation des activités commerciales dans les infrastructures publiques. Comment encadrer le secteur tout en restant inclusif ? Comment garantir une qualité de service sans favoriser certaines structures au détriment d’autres ?
La réponse pourrait résider dans une meilleure concertation entre les autorités, les acteurs du secteur, et les représentants des consommateurs. Des pistes de solutions existent, notamment via des appels d’offres plus ouverts ou la création de zones de livraison mutualisées en périphérie des terminaux.
L’avenir des petites agences marocaines est-il menacé ?
La décision de l’ONDA marque un tournant dans l’organisation du secteur de la location de voitures au Maroc. Si elle vise à mieux structurer les opérations aéroportuaires, elle risque aussi de fragiliser un tissu économique composé majoritairement de petites entreprises locales.
Il revient désormais aux autorités compétentes de réexaminer cette décision en tenant compte des réalités du marché et des besoins des consommateurs. L’avenir du secteur dépendra en grande partie de la capacité à intégrer tous les acteurs dans une vision plus équitable, plus moderne, et adaptée aux défis du tourisme et de la mobilité au Maroc.