«Le principe de la laïcité ne doit pas s'arrêter à la porte des crèches». C’est ce qu’a déclaré Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits de la femme et porte-parole du gouvernement français, mercredi, lors du compte-rendu du Conseil des ministres, en réaction à la décision de la Cour de cassation d’annuler le licenciement, en 2008, d’une employée de la crèche Baby Loup, située à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, pour port de voile islamique.
La laïcité est «un principe intangible avec lequel il ne faut pas transiger», a estimé la ministre originaire du Maroc, ajoutant que le gouvernement était «en train d’examiner la décision de la Cour de cassation», rapporte l’AFP.
Najat Vallaud-Belkacem a également souligné la nécessité d’application des solutions proposées par la circulaire de Lionel Jospin de 1989, relatives au port d’insignes religieux à l’école. Il faut «veiller» à ce que celles-ci «puissent s’appliquer de la même façon dans les crèches. Il n’y a pas de raison de traiter différemment les crèches et les écoles», a-t-elle insisté. La ministre n’a pas exclu non plus une révision de la loi dans le but de la rendre plus précise. «Cela fait partie des sujets que l’observatoire de la laïcité va regarder de près et s’il y a nécessité de préciser les choses par la loi, nous ne l’excluons pas», a-t-elle indiqué.
La laïcité mise en cause pour la gauche
Avant Najat Belkacem, c’est Manuel Valls qui a été amené à se prononcer sur la décision de la Cour de cassation française. Intervenant mardi à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur, chargé des Cultes aussi, a déploré le jugement. «En sortant quelques secondes de mes fonctions, je veux vous dire combien je regrette la décision de la Cour de cassation aujourd’hui sur la crèche Baby Loup et sur cette mise en cause de la laïcité», a-t-il estimé. Cette déclaration n’a visiblement pas choqué grand monde, y compris la gauche.
«Je suis comme Manuel Valls : à chaque fois qu'on donne l'impression de transiger sur les principes de laïcité, ce n'est pas bon pour le vivre ensemble, estime de son côté le socialiste Jérôme Guedj. Il faut respecter une décision de justice, mais cela veut dire qu'on a peut-être à se poser la question de l'adaptation de notre corpus législatif, pour partout et tout le temps préserver et sanctuariser la laïcité», a réagi Jérôme Guedj, membre du Parti socialiste et député de la sixième circonscription de l'Essonne, cité par Le Figaro.
Eddie Aït, maire du Parti radical de gauche de Carrières-sous-Poissy et conseiller régional d'Ile-de-France, a pour sa part estimé que cette décision était «la preuve que la laïcité demeure un défi pour la République».
Discrimination
L’affaire Baby Loup a débuté en 2008, lorsque Fatima Afif, alors employée de cette crèche privée, avait refusé d’enlever son foulard. La directrice de la crèche Natalia Barleato a décidé, par la suite, de la licencier pour faute grave, invoquant notamment une obligation de «neutralité philosophique, politique et confessionnelle» prévue par le règlement intérieur de l’établissement. Le licenciement avait d’abord été validé, en décembre 2010, par le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie, avant d’être confirmé, en octobre 2011, par la cour d’appel de Versailles
Mardi, la Cour de cassation, plus haute juridiction en France, en a toutefois décidé autrement. «Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché», explique la chambre sociale de la Cour de cassation dans un communiqué. Et de poursuivre : «Tel n'est pas le cas de la clause générale de laïcité et de neutralité figurant dans le règlement intérieur de l'association Baby-Loup applicable à tous les emplois de l'entreprise. Une telle clause étant invalide, le licenciement de la salariée pour faute grave aux motifs qu'elle contrevenait aux dispositions de cette clause du règlement intérieur constitue une discrimination en raison des convictions religieuses et doit être déclaré nul».
Les avocats des deux parties réagissent à la décision de la Cour de cassation (BFM TV)