Un Marocain de 49 ans a tenté de s’immoler avant-hier, mercredi 27 février devant la préfecture des Alpes de Haute-Provence, dans la commune de Digne-les-Bains, rapporte Le Parisien. Il s’est rendu à la préfecture pour renouveler son titre de séjour. Cependant, cette dernière n’a pu satisfaire à sa demande car son passeport marocain était périmé depuis 2011.
Fou de rage, l'homme est sorti du bâtiment administratif. Il revient devant, quelques minutes plus tard, et s’asperge d’essence contenue dans un bidon et menace de s’immoler, un briquet à la main. La police est intervenue à temps pour éviter le drame. Après avoir été hospitalisé quelques heures, il est rentré chez lui. Cette tentative d’immolation n’est pas la première, de la part d'un Marocain, en Europe
Le 19 février, un MRE de Belgique met le feu à ses vêtements devant une mairie après un malentendu, pensant qu’il n’aura pas son titre de séjour. Des témoins réussissent à le sauver. La liste des gens qui tentent de s’immoler n’en finit plus. Le 18 février, un Nigérian fait la même tentative faute de parvenir à régulariser sa situation en France. Le 14 février dernier, en l’espace de deux jours, deux chômeurs, un SDF et un collégien avaient tenté de s’immoler.
Un acte à la mode
«S’immoler est devenu un acte à la mode aujourd’hui !», lâche Mouhcine Benichou, psychiatre à Casablanca. «Cela a commencé en Tunisie avec Mohamed Bouazizi, le marchand de légumes mort après s’être immolé. Puis ça s’est répandu très vite au Maroc, au Maghreb et en Europe», ajoute-t-il. Il déplore que l’immolation de Bouazizi ait été autant valorisée notamment dans les médias. Les gens se sont mis à croire que c’est sa mort qui a crée le soulèvement du peuple tunisien.
Le message transmis est clair : s’immoler permet de créer une prise de conscience et de faire bouger les choses. «Ceux qui s’immolent cherchent à attirer l’attention sur eux et ont le sentiment qu’ils deviennent des personnes importantes dans leur propre drame. En faisant cela, ils pensent laisser une trace derrière eux, faire passer un message à l’humanité toute entière», ajoute-t-il.
Mettre le feu à son corps permet également d’exprimer sa souffrance et de lancer un appel de détresse à la société. «Lorsque vous avez des Marocains qui ont du mal à régulariser leur situation administrative, ils n’ont pas de travail stable, pas de couverture sociale, pas de famille. Ils n’ont rien au final. Ils sentent qu’ils n’ont aucune valeur. La seule chose qui leur reste est leur propre corps. En le mettant en feu, ils se réduisent à néant», estime-t-il.
Quitter le Maroc, un traumatisme
Pour lui, les deux MRE qui ont tenté de s’immoler traversaient certainement une période de dépression et de souffrance psychique profonde, dont l’origine se trouve dans leur départ du Maroc. «Beaucoup de Marocains qui quittent le royaume pensent qu’ils vont vivre dans de meilleures conditions en France. Mais une fois là-bas, ils font face à la réalité : problèmes financiers, absence de famille, coupure avec leur culture, démarches administratives complexes. Tout cela crée en eux un traumatisme psychologique qui sera le déclic pour s’immoler», affirme-t-il.
D’après une étude publiée par la Fédération européenne pour la formation, 42 % des Marocains disent envisager d’émigrer. Leur première motivation est d’améliorer leur condition de vie. Cependant, une fois à l’étranger, le rêve se brise. Une déception qui les motive à revenir au Maroc. L'étude indique que 74% des Marocains qui sont retournés au royaume ont vécu dans la pauvreté à l’étranger.
Le psychiatre explique aussi que certains Marocains qui quittent leur pays d’origine, se trouvaient déjà dans une phase de dépression à cause de leurs mauvaises conditions de vie au Maroc. En s’installant en Europe, ils font ce que les psychiatres appellent un «voyage pathologique», c’est-à-dire qu’ils ne font que voyager avec leurs problèmes psychologiques qu’ils avaient déjà, au risque de les aggraver une fois à l'étranger.