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Grand Angle

Liberté de la presse au Maroc : L'hypocrisie du rapport officiel

Le ministère de la Communication vient de publier son rapport sur la liberté de la presse au Maroc. C'est le premier du genre depuis l'adoption de la nouvelle constitution. Il offre un bilan bien trop positif, éloigné de la réalité.

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Le « rapport annuel sur les efforts de promotion de la liberté de la presse au titre de l'année 2012», publié par le ministère de la Communication, samedi 23 février, présente la sphère de la presse au Maroc sous un jour que l'on ignorait. Alors que les atteintes à liberté de la presse au Maroc ont régulièrement fait l'actualité l'an dernier, c’est d'un tout autre bilan que se flatte le document publié de la tutelle.

Aucune détention de journaliste?

Tout au long de l’année 2012, «aucun cas de détention d’un journaliste» n’a été enregistré, indique le rapport. Le cas de Rachid Niny, directeur de publication d'Al Massae, le plus grand quotidien arabophone du pays, n'est pas évoqué, alors que sa détention a valu au Maroc de nombreuses critiques de la part par d’ONG internationales, notamment Human right watch [HRW] et Reporters sans Frontières [RSF].

Rachid Nini, condamné depuis juin de l’année 2011, n’avait pas bénéficié, en 2012, le 11 janvier exactement, de la grâce royale accordée à de nombreux détenus à l’occasion de 68e anniversaire de la présentation du «Manifeste de l'Indépendance». Il n’a été libéré qu’au printemps, l'an dernier, et le rapport n’y fait même pas allusion.

2013 est déjà entâchée, à son tour, par la condamnation du citoyen-journaliste Mohamed Attaoui, prononcée le 14 février dernier, et déjà dénoncée par RSF. Sans parler du cas de l'éditeur marocain Youssef Jajili qui risque un an de prison, accusé d'avoir diffusé de fausses informations, suite à un article publié en juin 2012, dans lequel il rapporte que le ministre de l'Industrie aurait dépensé 10 000 dirhams des fonds publics à un diner privé lors de son séjour officiel au Burkina Faso.

La violence à l’encontre d’Omar Brousky ignorée

Le rapport stipule également qu’il n’y a eu «aucun cas de violence ou exaction commise à l’encontre des journalistes», alors que les médias du monde entier ont relayé l’affaire d’Omar Brousky, journaliste et correspondant de l'AFP. Il a été frappé par la police pendant une manifestation, en août 2012, à Rabat.

La tutelle se félicite de la plus forte présence au Maroc de la presse étrangère accrédité, citant 106 journalistes étrangers, de 26 nationalités, accrédités pour exercer le journalisme dans le pays pendant l’année 2012. Parmi eux, 32 journalistes représentent 15 agences étrangères, note le rapport.

Le rapport minimise le retrait d’accréditation d’Omar Brousky, estimant que la sanction était due à des considérations professionnelles, conformément à la loi en vigueur. Le journaliste s'était vu retiré son accréditation pour avoir assimilé les candidats du Parti de l’Authenticité et de la Modernité (PAM) à des «proches du palais royal» dans son reportage sur les élections partielles de Tanger.

Pas de référence aux multiples censures d’El Pais

De manière générale, 2000 titres étrangers, dont au moins 61 quotidiens, 120 hebdomadaires, 560 mensuels et 213 périodiques, sont distribués au Maroc. En 2012, 29 millions d’exemplaires de ces titres étrangers ont été distribués dans le pays. Selon le rapport, il n’y a eu que des «cas assez rares de non autorisation de distribution de titres étrangers» au cours de l’année dernière, dus «principalement à la publication d’images pornographiques». Que dire des différentes censures politiques subies par l’hebdomadaire espagnol El Pais ? Le rapport du ministère n’y fait aucunement référence.

Droit d’accès à l’information : Aucune réforme, rien que des projets

En matière de droit d’accès à l’information, le rapport indique que des mesures ont été prises pour faciliter l'accès à l'information, conformément à ce que stipule la nouvelle constitution, soulignant que le Maroc est classé deuxième pays du monde arabe où l’accès à l’information est le plus facilité. Cela n’empêche pas certains responsables politiques de refuser de répondre aux questions des journalistes, Yabiladi en sait quelque chose.

Le rapport annonce que le projet de loi globale sur le droit d’accès à l’information fera l’objet d’un débat national parallèlement à sa présentation au Parlement courant 2013. Il faut maintenant espérer que ce débat se déroule dans les règles de l’art et les recommandations de la profession soient prises en compte de manière objective. D'autant que la loi sur l'accès à l'information est attendue depuis 2011. 

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