Le titre de «MISTER UNIVERSE» en musculation, obtenu le 10 novembre 2024, signifie bien plus qu'une performance pour Mostafa Erradi. Derrière le trophée levé et la fierté évidente dans ses yeux se cache une longue histoire faite d'épreuves et de défis. Des années de lutte au Maroc, suivies de difficultés personnelles en Belgique, ont fait de cet exploit sportif un couronnement pour les années de patience et de détermination.
Mostafa, originaire de Ksar El Kebir, a commencé à travailler dès l'âge de huit ans en vendant du poisson, non seulement pour aider sa famille mais aussi pour pouvoir acheter ses fournitures scolaires. Dans un entretien avec Yabiladi, il raconte : «J'ai commencé à lutter dès mon plus jeune âge. Depuis l'enfance, j'ai appris à compter sur moi-même et à aider ma famille.» À l'âge de 16 ans, il a commencé à pratiquer la musculation dans une salle de sport de son quartier. Passionné par ce sport, il deviendra coach, tout en poursuivant ses études universitaires. Mais il arrêtera la fac de droit au bout de deux années.
En mai 2016, il rencontre sa femme, qui vivait en Belgique. Très vite, ils se marient et Mostafa s'installe dans le plat pays pour vivre avec sa dulcinée. Cette nouvelle vie en Europe va écorner l'image fantasmée qu'il s'était construite.
À Charleroi, où Mostafa a d'abord vécu, il a passé trois ans sans emploi et a commencé à se sentir comme un fardeau. Il raconte que les opportunités d'emploi dans cette ville étaient très rares. Après avoir perdu espoir, il décide de tenter sa chance à Bruxelles. Dès le premier jour, il décroche son premier emploi dans une poissonnerie, domaine qu'il connaît bien depuis l'enfance. Il y travaillera pendant un an et demi jusqu'à ce que la pandémie de COVID-19 mette un frein à cette expérience professionnelle. Un an plus tard, grâce à l'argent économisé, il décide d'ouvrir sa propre poissonnerie.
Côté sport, l'entrepreneuriat le conduira à arrêter la musculation, qu'il pratiquait occasionnellement depuis son arrivée en Belgique. Les années de musculation intensive au Maroc sont alors loin derrière lui.
Le petit vendeur de poissons devenu champion du monde
Alors que l'année 2021 démarre avec plein d'ambitions pour Mostafa, c'est le drame : sa femme décède. Il se souvient de cette période avec le cœur serré : «Je me suis retrouvé seul avec ma fille de 3 ans, portant toutes les responsabilités. Je l'emmenais avec moi à la poissonnerie pour pouvoir travailler et m'occuper d'elle en même temps.»
«Cette phase a coïncidé avec les répercussions de la pandémie de COVID-19, me causant une pression psychologique immense. Il est devenu difficile de jongler entre le travail et la garde de ma fille, j'avais l'impression de perdre pied. Malgré toutes les difficultés, j'ai bataillé. Mais en mai 2024, j'ai décidé de fermer boutique suite à l'érosion des revenus.»
Après une période de repos, Mostafa décide de revenir au sport. Un jour, il découvre par hasard une compétition de bodybuilding. Il décide d'y participer et commence un entraînement intensif et un régime strict. Il n'a que six mois pour se préparer. Le 3 novembre 2024, la compétition a eu lieu à Aarschot, en Belgique. Dès cette première participation, il réussit à se classer quatrième.
«Pendant ma préparation pour cette compétition, de nombreuses connaissances que je croisais me demandaient si je souffrais d'une maladie car j'avais perdu du poids de manière notable (-15kg).»
Malgré cette 4ème place, cette première expérience lui laisse un goût amer. Mostafa Erradi estime avoir été victime de racisme de la part d'un des juges, et plusieurs problèmes auraient émaillé la compétition. Cette frustration le pousse à participer au Mr Universe Championship Belgium, un concours amateur organisé par la World Physique Federation, pour prouver que, malgré son statut de débutant, le Marocain peut faire la différence.
«Mon entraîneur m'a parlé du championnat MISTER UNIVERSE Belgique. Mais je ne pouvais pas y participer à moins que je ne rejoigne rapidement la Fédération belge de bodybuilding (BIFBB). Déterminé, j'ai accompli les démarches en un temps record pour rejoindre la fédération.»
Ainsi, le 10 novembre 2024, il a pu monter fièrement sur la scène du concours Mister Universe aux côtés des concurrents venus de 13 pays. Les juges, cette fois, lui ont accordé la première place catégorie Beach boy (-78kg), devenant ainsi «le premier Arabe marocain de Belgique à remporter ce titre».
D'un passé difficile à un présent radieux
Après cette consécration, Mostafa Erradi aspire désormais à devenir entraîneur professionnel. Il a déjà commencé à suivre une formation pour obtenir les certificats nécessaires. En effet, sa certification marocaine n'est pas reconnue en Belgique. Il se prépare également à participer au Championnat d'Europe, qui se tiendra dans les prochains mois.
Alors que les malheurs de la vie auraient pu lui faire perdre espoir, Mostafa a réussi à se relever grâce au sport et à sa fille, qui a maintenant 8 ans. Il parle de sa nouvelle vie avec tendresse : «J'ai dédié une routine spéciale pour nous deux. Ce nouvel équilibre nous permet d'avoir des moments agréables ensemble.»
Le rêve de pratiquer le bodybuilding «a toujours été dans un coin de ma tête. Avec les difficultés de la vie, j'ai pu réaliser ce rêve et me retrouver.» Après sa récente victoire, Mostafa a un objectif qui allierait ses deux amours, l'entrepreneuriat et le sport : ouvrir ses propres salles de sport au Maroc. «Malgré les années passées en Belgique, mon esprit et mon cœur sont au Maroc. Si ce n'était pas pour ma fille, je serais déjà retourné au pays. Mais quand elle sera plus grande, je reviendrai.»