Le 22e Tanjazz se tient après un report, l’année dernière, à la suite du séisme au Maroc. Cette année, il intervient peu après que Tanger a été désignée ville-hôte de jazz par l’UNESCO, devenant ainsi la première ville à avoir ce titre en Afrique. Ce sont des symboliques qui rendent cette édition si particulière ?
J’imagine que les fondateurs de Tanjazz doivent se réjouir de la reconnaissance de Tanger comme ville-hôte, à l’occasion de la Journée mondiale du jazz. Elle l’est par l’esprit, moins par les clubs dédiés. Mais son festival lui permet de rayonner au niveau international et dans le bassin méditerranéen. Nous travaillons justement à créer ce lien fort entre Tanger et la musique, le jazz en particulier.
Ce contexte est très particulier, en effet, sachant qu’il est très difficile d’avoir des titres comme celui de ville-hôte internationale du jazz. C’est un élément qui doit être un peu plus présent dans le quotidien et les efforts dans ce sens doivent être un peu plus poussés. Ce n’est pas encore le cas, mais j’espère réellement que nous serons capables, dans les années à venir, d’être à la hauteur de cette reconnaissance mondiale.
Moulay Ahmed Alami, président du festival Tanjazz
Cette édition est justement voulue comme une initiative d’ancrage du jazz dans la ville de Tanger. Des fanfares ont sillonné les rues, des scènes gratuites sont accessibles. Mais les clubs de jazz manquent, le premier ayant vu le jour dans les années 1970. Vous êtes sur les pas de son fondateur, Randy Weston ?
Pour le moment, nous sommes focalisés sur l’organisation de festivals dans trois villes : Casablanca avec trois festivals – Jazzablanca, Casa Anfa Latina, Alif – Amazingh à Taghazout (Agadir), ainsi que Tanjazz à Tanger. Actuellement, nous nous concentrons sur l’amélioration de nos process, l’expérience des festivaliers…
Dans ce sens, Tanjazz a atteint une phase où il a fallu lui donner un nouveau souffle. Nous sommes réellement à la 22e édition, mais en comptant l’annulation pendant deux ans à cause de la crise sanitaire, puis celle de l’année dernière à la suite du séisme d’Al Haouz, nous savons que ce festival existe depuis 25 ans. Nous avons donc travaillé sur un rafraîchissement de l’identité visuelle de cet événement, son logo, mais aussi la manière de vivre et d’appréhender le festival.
Ph. Tanjazz
C’est pour toutes ces raisons que nous avons souhaité donner vie à deux ambiances au sein du Palais des Institutions italiennes [Moulay Abdelhafid, ndlr], à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur. Ce sont deux atmosphères différentes et deux manières de présenter la musique.
Notre idée est également de nous étendre dans la ville, au Palais des Arts où nous avons organisé un très beau concert d’ouverture. Celui-ci va donner vie à un album avec Omar Sosa et Majid Bekkas, dans les années à venir. Cet opus musical aura été créé à Tanger et à Tanjazz. Nous espérons ainsi que cette ville-hôte devienne notre terrain de jeu pour organiser plus de concerts, notamment dans cette magnifique salle mise en place par le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication.
Ph. Tanjazz
Il y a bien sûr aussi Tanjazz en ville, avec les fanfares, qui constituent des moments très importants pour nous. Autant les scènes font partie d’une dynamique du festival dans laquelle c’est le public qui vient à la rencontre des artistes, autant les déambulations en circuit nous permettent en tant que festival d’aller vers ce public. C’est toujours particulier de voir les réactions des gens et des riverains qui interagissent très positivement avec cette énergie envoyée par la musique.
Il y a aussi tous les off que nous organisons en partenariat avec les hôtels. Nous aimerions investir aussi d’autres lieux de la ville, amener différents amis et partenaires du festival, en proposant plus d’événements à différents moments de la journée, de manière à ce que les rencontres artistiques ne se fassent pas uniquement le soir. L’idée est globalement de tenir quatre jours de fête à Tanger, en immersion dans l’univers du jazz.
Ph. Tanjazz
L’agence culturelle Seven PM et l’Association marocaine de jazz (JAM) produisent en effet deux festivals dans ce registre, l’un à Casablanca (Jazzablanca) et l’autre à Tanger (Tanjazz). Quel est le défi, en termes de programmation artistique, pour concevoir deux événements autour du jazz, tout en les gardant différents l’un de l’autre ?
Entre Jazzablanca et Tanjazz, il existe des points en communs et des différences. Les deux festivals se rejoignent effectivement dans l’afro-jazz ; le musicien éthiopien Mulatu Astatke s’est produit dans les deux événements. Il y a des univers croisés qui peuvent se retrouver, à un moment ou à un autre. L’artiste cubain Roberto Fonseca a donné des concerts en plein air, que ce soit à Jazzablanca ou à Tanjazz.
Mais pour des projets beaucoup plus intimistes dans le registre du jazz, il faut des salles plus fermées et assez cosy afin de faire une proposition artistique adéquate. L’ambiance du Palais des Institutions italiennes le permet, car elle nous renvoie vers le décor d’une autre époque. Le swing est très important dans l’atmosphère de ce lieu.
Ph. Tanjazz
Autant dire que l’ambiance de la ville et des espaces de la ville imposent aussi les directions artistiques à suivre. Chacun donc des cinq festivals que nous organisons a beaucoup de points communs, en matière d’organisation, de contrôle d’accès, d’espaces de restauration et de sécurité des sites. Nos systèmes sont les mêmes, mais nous veillons toujours à ce que les aspects artistiques restent très différents, d’un événement à l’autre.