Vendredi 25 janvier, Rabat sera le siège d’une réunion quadripartite entre le Maroc, l’Espagne, la France et le Portugal. En ligne de mire : immigration clandestine et terrorisme. Les ministres de l'Intérieur des 4 pays vont s’entretenir à Rabat des «menaces» guettant «la stabilité et la sécurité de la région», a annoncé hier mardi 22 janvier, une source ministérielle marocaine, rapporte l’AFP. Cette réunion intervient dans le contexte particulier d’urgence liée à l’intervention militaire de la France au Mali.
Pour la France et l’Espagne, le Maroc est à la fois un allié fiable par la volonté de son gouvernement et de son roi, par sa stabilité institutionnelle, mais le royaume est aussi le pays par qui le mal arrive, en particulier concernant l’immigration clandestine et le terrorisme. Si le Maroc n’est pas particulièrement le siège de jihadistes alliés d’AQMI, ni le seul pays d’émigration à destination de l’Afrique il est traversé par les deux principales peurs de l’Europe en général et de la France et de l’Espagne en particulier.
Sebta et Mélilia menaces pour l’Espagne
Au début du mois de janvier, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a validé la nouvelle Stratégie de sécurité nationale. Elle désigne comme principal risque sécuritaire les deux enclaves Sebta et Mélilia. Le Maroc est donc perçu, en creux, comme la principale menace pesant sur le royaume d'Espagne. Une analyse de risque qui a débouché logiquement, sur l’annonce, hier, mardi 22 janvier de la modification de la «structure» de la frontière avec le Maroc, par Francisco Antonio González, délégué du gouverneur. L’objectif de cette démarche est d’empêcher l’entrée illégale d’immigrants et de «criminels».
Pour les autorités de Sebta, les choses devraient être faites de telle sorte qu’un clandestin ou un délinquant expulsé trouve beaucoup «plus de difficulté à entrer de nouveau en Espagne», indique-t-il. Le Maroc devrait être partie prenante de cette restructuration, mais il ne l’a pas encore confirmé. Cette annonce intervient, alors que depuis cet été, où de nombreux migrants ont tenté, par groupe, de franchir les barbelés de l’immense clôture, Sebta et Mélilia n’ont eu de cesse de renforcer le mur qui les sépare du Maroc.
AQMI au Maroc
L’obsession espagnole et plus largement européenne liée à l’immigration rejoint actuellement les préoccupations liées à la guerre qui se déroule au Mali, depuis le 12 janvier, entre l’armée française associée à l’armée malienne et les jihadistes d’AQMI. Celle-ci concerne d’abord la France qui mène la guerre, mais aussi l’Espagne par sa proximité et en raison des attentats déjà perpétrés sur son sol, à Madrid en 2004. Le Maroc dans ce contexte est lui aussi traversé par la mouvance jihadiste.
Le 5 novembre dernier, le département de Mohand Laenser fait état de l’arrestation d’une cellule baptisée «Ansar Achariaâ au Maghreb islamique», composée de huit membres et présentée comme ayant des connexions avec Al Qaïda. Depuis les rafles dans les milieux salafistes terroristes vont crescendo : 24 novembre, 25 décembre et la dernière en date a été révélée le 19 janvier. Elle a permis le démantèlement d’une cellule spécialisée dans l’enrôlement de Marocains ou de ressortissants étrangers d’origine marocaine dans les rangs d’Al Qaida au Mali et en Syrie où justement trois membres, originaires de Sebta et ayant la nationalité espagnole, avaient été tués lors d’attentats suicides.
Maroc : dernière frontière
Face à AQMI et à l’immigration clandestine, le Maroc représente pour la France et l’Espagne à la fois un allié fiable et le dernier barrage face aux menaces. En ce début de conflit, le Maroc s’est révélé, encore une fois, un allié fidèle, en offrant son ciel au passage des avions français et en autorisant leur ravitaillement. De la même façon, le Maroc a toujours collaboré activement avec l’Espagne pour protéger les frontières de Sebta et Mélilia.
Sa seule réticence s’est toujours limitée au refus de réadmettre des Subsahariens en situation clandestine dans l’Union européenne au prétexte qu’ils auraient pu passer par le Maroc. Une limite franchie allègrement, le 6 septembre dernier, lorsque près de 83 personnes avaient réussi à rejoindre illégalement l’îlot Sfiha qui appartient théoriquement encore à l’Espagne.
La réunion de vendredi est le signe du renforcement de l’importance du Maroc dans la géostratégie européenne. Une place et une collaboration qui se monnaye. Après le soutien répété lundi 21 janvier, par Pouria Amirshahi, au plan d’autonomie marocain pour le Sahara, qu’est ce que la France et l’Espagne offriront au Maroc pour sa collaboration ?