C’est le 5 janvier prochain que débute le rallye Dakar, compétition qui aura lieu en Amérique du Sud. Durant deux semaines, des milliers d'automobilistes, motards, pilotes de quads et camionneurs du monde vont participer à cette compétition et rouler à travers trois pays qui sont le Pérou, l’Argentine et le Chili. Parmi ces participants, il y a un Marocain originaire d’Agadir : Harite Gabari. Pilotant une moto Yamaha, il est le premier Marocain de l’histoire à participer à cette prestigieuse compétition. Néanmoins, il s’agit de sa deuxième participation au Dakar, la dernière fois remonte à 2011. Une première participation passée totalement inaperçue auprès des médias marocains. Pourtant dans le classement général, il était arrivé 60ème sur 230 motos au total.
Des chantiers navals aux pistes de terre
Chez la famille Gabari, la moto est une passion qui se transmet de père en fils. «Mon père faisait de la moto pour le plaisir et m’emmenait quand j’étais enfant assister à des rallyes et tout cela m’a marqué.», confie Harite Gabari à Yabiladi quelques minutes avant de monter dans l’avion qu’il l’emmenait pour Lima. «Mon grand frère aussi était un passionné de moto. Mon père n’étant qu’un simple salarié, il lui a offert sa moto mais ne pouvait pas m’en acheter une. C’est donc en travaillant que j’ai dû m’acheter ma première moto», poursuit-il. Harite Gabari travaille dans les chantiers navals au Maroc et en France comme ouvrier. Puis il monte peu à peu les échelons et devient technico-commercial. Il a assez d’argent pour s’acheter la moto de ses rêves. Ensuite, il décide de participer à des rallyes et compétitions nationales et internationales. «Depuis 2006, je remporte chaque année le titre du Maroc dans l’épreuve d’endurance», dit-t-il avec fierté.
Un million de dirhams pour faire le Dakar
Mais le véritable rêve d’Harite Gabari est de participer au célèbre rallye Dakar. Un rêve qui a un coût : un million de dirhams. «Vous ne pouvez pas savoir comme j’ai galéré pour rassembler cet argent. Depuis le moins de juin dernier, au lieu de m’entraîner, je frappe à toutes les portes pour avoir des sponsors», lâche-t-il. Harite Gabari va chez tout le monde : les grands groupes de télécommunication, les grandes boîtes et autres institutions marocaines qui brassent des millions de dirhams. Mais les portes restent fermées. Comme si avoir un Marocain porter les couleurs du Maroc lors d’un évènement sportif aussi important que le Paris-Dakar n’avait aucune valeur à leurs yeux. Pourtant des dizaines de millions de téléspectateurs suivent le Dakar chaque année. Malheureusement, le Maroc râte encore une opportunité de se démarquer dans le monde. Surtout qu'Harite est également le seul sportif de la région Maghreb/Moyen-Orient à participer au rallye.
Bennani ou Benjelloun ?
Cependant, pour Harite Gabari, le pire n’a pas été qu’il ne puisse pas décrocher de sponsor mais bien les questions que les responsables de ces entreprises marocaines lui posaient dès qu’il leur présentait son projet. Des questions qu’il qualifie de «discriminantes». «Je n’ai vraiment pas compris ! Ils n’arrêtaient pas de me demander quelles étaient mes origines et de quelle ville je venais. Je leur expliquais que je voulais rouler pour le Maroc et eux me demandaient de quelle origine j’étais ! Ils pensaient quoi ? Que j’allais rouler avec un drapeau berbère sur dos ! Il faut quoi, s’appeler Bennani ou Benjelloun pour que ça passe. Mais moi je ne m’appelle pas Bennani !», lâche-t-il dégoûté. «ça m’a tout simplement détruit !», poursuit-il.
Cependant, Harite Gabari n’est pas encore loin de ses peines. Les organisations sportives censées supporter financièrement les sportifs marocains, brillent par leur silence, une fois de plus. A commencer par la Fédération Royale Marocaine de Motocyclisme, chez qui est pourtant licencié Harite Gabari. «En 2011, elle m’avait versé une somme de 25 000 dirhams mais en 2012, elle ne m’a pas aidé», regrette-t-il. En plus de ne pas aider financièrement le motard marocain, la Fédération ne prend même pas la peine de médiatiser la présence de l’un des siens sur son site internet ! Pire encore, Harite Gabari est obligé de louer une moto pour participer au rallye.
Si Harite Gabari peut aujourd’hui participer au Dakar, c’est grâce à une poignée de personnes qui ont eu cru en lui et qui sont fiers, en tant que Marocains, qu’ils participent à une telle compétition. Salem Fkire, président de l’association Cap Sud MRE en fait partie. Il s’est démené comme un fou pour médiatiser son projet mais aussi pour que le ministère des Sports puisse lui verser une somme d’argent pour le sponsoriser. Une autre partie de l’argent sera apportée par des sponsors privés et d’autres.
Fierté marocaine
Malgré les épreuves qu’il a surmonté pour tenter de décrocher des sponsors, Harite Gabari ne pense qu’au public marocain. Comme pour tous les sportifs marocains chevronnés dans leur discipline, les pays du Moyen-Orient, comme le Qatar, rôdent toujours autour d’eux. Dans un article datant de novembre 2011, le magazine Agadir Première explique que le Qatar a proposé à Harite la nationalité qatari et de le financer pour qu’il puisse rouler sous ses couleurs. Chose que refusera Harite. «Je suis fier de représenter les Marocains qui me soutiennent tout le temps. Pour moi, elle est là ma fierté !», conclut-il avant de monter dans l’avion.