Mon séjour prend fin à St Petersburg en Floride. Après avoir passé plusieurs jours avec la communauté marocaine et musulmane de St Petersburg en Floride, j’ai tenu à passer mes dernières heures à St Petes avec ces Américains de la classe-moyenne qui travaillent en silence pour pouvoir payer le crédit de leur maison et leurs factures. Une classe moyenne qui a été durement touchée par la crise ces dernières années et à qui les banques n’octroient plus de crédits aussi facilement. Aujourd’hui, un Américain sur deux fait partie de la classe moyenne, d'après le Monde.
«Obama ou Romney, c’est du pareil au même !»
C’est donc auprès des membres du personnel de l’un des hôtels Hilton de St Petes, l’uns des plus puissants groupes hôteliers américains dans le monde, que j’ai décidé de passer une partie de la nuit et de suivre les résultats des élections. Car élections ou pas élections, le monde ne s’est pas arrêté de tourner pour ces employés. L’hôtel est immense et luxueux situé à quelques pas de la mer. Le marbre est tellement brillant que vous pouvez voir votre reflet dedans. Une chambre dans cet hôtel vous coûtera en moyenne 200-250 dollars la nuit, prix qu’une grande partie du personnel de l’hôtel ne pourrait payer. N’allez pas avoir soif ! Une bouteille d’eau d’1 litre vendue dans le magasin de l’hôtel vous coûtera 6 dollars, soit le montant du salaire horaire des bagagistes de l’hôtel !
«Je suis vraiment déçu ! Je suis républicain, j’ai voté pour Mitt Romney et je ne voulais pas que Barack Obama gagne. Mais les résultats ne sont pas encore officiels !», s’exclame en soufflant Danny le jeune réceptionniste de nuit de l’hôtel, quelques minutes après l’annonce de la victoire de Barack Obama. Assis sur un tabouret, Danny a suivi de près les résultats des élections sur internet sur son poste de travail, tout en gérant l’arrivée des nouveaux clients débarquant dans l’établissement. «Pourquoi ne vouliez-vous pas qu’Obama gagne ?», lui ai-je demandé. «Et bien, c’est compliqué !», me répondit-il d’un ton ferme, devenant tout rouge, visiblement agacé par mes questions.
«J’ai voté pour Barack Obama. Je suis originaire du Massachussetts et Romney a été notre gouverneur. Avec lui, on a vu les taxes augmenter et l’enseignement s’est détérioré. Mais en toute franchise, que ce soit Obama qui gagne ou Romney pour moi c’est du pareil au même. Ils disent tous qu’ils sont du côté de la classe moyenne, qu’ils sont du côté des travailleurs mais ce n’est pas vrai. Ils cachent bien leur jeu. J’ai donc voté pour celui qui me semblait être le moins diabolique des deux et c’est Obama», explique Sharon, l’une des réceptionnistes de l’hôtel quittant son poste pour rentrer chez elle.
Entre rêve américain et racisme
S’il y a un membre du personnel de l’hôtel qui est heureux qu’Obama soit réelu, c’est bien Damian, le chauffeur de l’hôtel. Agé d’une quarantaine d’années, Damian est Jamaïcain. Il fait partie de ces millions d’étrangers qui travaillent depuis des années aux Etats-Unis mais qui ne peuvent pas voter car ils n’ont pas encore la nationalité américaine. Il travaille aux Etats-Unis depuis 2005 et est sur le point d’acheter une maison à St Petes. S’il avait pu voter, il aurait opté pour Barack Obama. «Je me sens très concerné par ces élections en tant que travailleur et père de famille car je paie des taxes dans ce pays. Les démocrates sont du côté de la classe-moyenne et des gens démunis. Les républicains, eux sont du côté des riches», explique-t-il.
«En tant que personne de couleur, les Etats-Unis peuvent être le meilleur pays au monde mais aussi le pire. Le meilleur en termes d’opportunités et d’emploi. Mais aussi le pire car le racisme est toujours très présent aux Etats-Unis. Depuis que je vis en Floride, bon nombre de personnes m’ont injurié. On m’a traité de singe ou de «nigger», qui n’est pas une insulte lorsque ce sont des blacks qui se le disent entre eux mais devient une insulte lorsque c’est un blanc qui vous le dit.», regrette Damian. «Je ne voterais pas pour Obama parce qu’il est noir, mais je voterais pour lui car il essaie d’unir les gens. Pas seulement les noirs, les blancs ou les asiatiques entre eux, mais il tente aussi de résoudre les conflits partout dans le monde. Les républicains, eux ne savent que courir après l’argent et massacrer les gens dans le monde», poursuit-il.
A quelques pas du van de Damian, se trouve Eli, le bagagiste de l’hôtel, lui aussi de service hier soir. Lui a voté pour Barack Obama lors du early voting la semaine dernière. Au fur et à mesure que les résultats tombaient au compte goutte à la télévision, Eli s’éclipsait quelques minutes de son poste à l’entrée de l’hôtel pour aller voir les résultats sur l’un des écrans géants du bar. Le parcours et l’histoire d’Eli sont le miroir de ce que sont aujourd’hui les Etats-Unis. Un pays où les cultures se sont mélangées à travers les siècles. Un pays qui a accueilli des immigrants de tout horizon et qui se sont installés aux Etats-Unis car ils ont cru au rêve américain.
Fils d'un Palestinien originaire de Ramallah et d'une mère Mexicaine, Eli a combattu 4 ans au Vietnam et confie avoir été victime de racisme étant jeune, dans les années 60 au Texas à cause de son teint bronzé. Il a passé une grande partie de sa vie à Hawaï où il enseignait. «J’ai pratiquement le même parcours que Barack Obama !», dit-t-il en riant en caressant ses longues moustaches. Obama a passé une partie de sa vie à Hawaï et est l’enfant d’un couple mixte. «J’ai voté pour Obama car je trouve que cet homme n’a pas de double langage. Il a su tenir ses promesses. Il a par exemple réussi à faire passer sa fameuse réforme de la santé», explique-t-il. «J’admire également Obama car il représente un nouveau visage pour les Etats-Unis qui n’est plus du tout un visage White Anglo Saxon Protestant. Les démocrates ont su saisir ce changement dans leur rang alors que les républicains, eux, veulent toujours perpétuer un seul point de vue, celui des Blancs», poursuit-t-il.
Actuellement, le dernier état américain qui n’a pas encore terminé de dépouiller la totalité des bulletins de vote est la Floride. Les résultats dans cet état balançoire devraient être connus dans moins de deux heures. Cependant, cela ne changera pas les résultats des élections. Barack Obama mène dans cet état.