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Grand Angle

Maroc : Le PJD relance le débat sur l’égalité dans l'héritage

Des ONG féministes ont critiqué la dernière sortie du PJD sur l’égalité dans l'héritage, pointant une tentative visant à clore le débat sur la question et appelant à «renouveler la jurisprudence islamique» pour accompagner les mutations de la société.

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Le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane. / DR
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Alors qu’elle est l’une des plus importantes revendications du mouvement féministe au Maroc, le débat sur l’égalité Homme-femme dans l'héritage a refait surface, cette semaine, avec la position du Parti de la justice et du développement (PJD) et la réaction des ONG des droits des femmes.

Mardi, à l’issue d’une réunion de son secrétariat général, le PJD a publié un communiqué, revenant sur les appels à la réforme du Code de la famille. «Certains ont osé appeler explicitement à l'égalité dans l'héritage, contre le texte coranique explicite réglementant l'héritage et les exigences de la Constitution du Royaume, et au mépris flagrant du cadre clair et fixe que Sa Majesté le Roi, Commandeur des Croyants, que Dieu protège, a précisé dans le cadre de son discours sur le Code de la Famille», a-t-il indiqué, pointant un «développement dangereux».

«Un défi flagrant aux versets coraniques»

La formation politique a ainsi «fermement condamné ces appels errants», critiquant une «une audace sans précédent et un défi flagrant aux versets coraniques explicites concernant l'héritage» et pointant «une sortie du consensus national et aux constantes unificatrices de la nation marocaine telles que définies par la Constitution».

«De tels appels égarés, étrangers aux convictions et aux attentes réelles de la communauté musulmane marocaine, en plus d'être rejetés par la société, constituent une étape dangereuse qui conduira à déstabiliser le système familial marocain et à porter atteinte à l'un des les piliers de la paix sociale et familiale et la plaçant sur la voie de l'inconnu. C’est une menace pour la stabilité nationale, liée à ce que le système successoral a établi dans la société marocaine depuis plus de 12 siècles.»

Communiqué du secrétariat général du PJD

Le parti de la Lampe affirme aussi que «de tels appels discordants n'ont rien à voir avec les convictions et les attentes de la société marocaine, attachée à sa religion et à ses constantes nationales fédératrices renforcées par la constitution et la commanderie des croyants». Il pointe «un pas désespéré et la mise en œuvre d'agendas extérieurs».

Le secrétariat général du PJD a également mis en garde contre «le grand danger de tels appels - que leurs promoteurs le sachent ou non - non seulement pour la famille marocaine, mais aussi pour l'ensemble de l'État et de la nation marocaine».  «Outre le fait qu'ils (les appels, ndlr) créent la discorde et conduiront à saper la cohésion familiale et la stabilité de la société leurs objectif principal et non déclaré reste de porter atteinte au caractère sacré du texte coranique et de détruire la suprématie de la loi islamique», tranche-t-il. Et d’appeler «toutes les institutions nationales et associations de la société civile à respecter» les constantes «fédératrices de la nation marocaine et du cadre fixé par Sa Majesté le Roi» pour la réforme du Code de la famille.

Renouveler la jurisprudence islamique

Le communiqué du PJD sur le sujet n’a pas tardé à faire réagir le mouvement féminin. Dans des déclarations médiatiques, plusieurs associatives ont ainsi critiqué cette sortie, pointant du doigt une tentative «portant atteinte au débat» sur cette question.

Ainsi, la directrice de l'association Tahadi, Bouchra Abdou a estimé que les revendications portées par les différents militants «sont légitimes à discuter». «L'important est que les idées soient discutées. Rejeter l'autre opinion, en la considérant contre les constantes du pays et le consensus, est inacceptable», a-t-elle ajouté. «C'est une revendication qui peut être atteinte comme elle peut ne pas l’être, mais il est nécessaire de la mettre en discussion», a-t-elle insisté.

De son côté, l'avocate Aicha Guellaa a estimé que les Marocains «ont le droit de discuter de toutes les questions dans une atmosphère de démocratie, de dialogue et de divergence d'opinions». «Les méthodes d'intimidation, de menaces et de violence seront dépassées par les transformations que connaît la société marocaine à tous les niveaux», a rappelé la présidente de l'Association marocaine pour les droits des victimes. Pour elle, le PJD «veut nous faire croire qu'il est le gardien du domaine religieux, mais au Maroc, le Roi est le commandeur des croyants et il existe des institutions qui gèrent le domaine».

Pour sa part, Samira Mohya, présidente de la Fédération des ligues des droits des femmes, a rappelé que l’ONG appelle à revoir le système d'héritage pour assurer sa compatibilité avec l'article 19 de la Constitution, qui stipule l'égalité et la parité. «La structure sociale et socio-économique a changé, et les femmes sont devenues productives et un grand nombre d'entre elles sont les soutiens de famille. Il doit donc y avoir une loi qui tient compte de ces transformations», a-t-elle noté, appelant au «renouvellement de la jurisprudence islamique» afin de ne pas s’appuyer sur une jurisprudence séculaire.

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