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Grand Angle

Maroc : La Fondation Zakoura dissèque la déperdition scolaire  

Des experts se sont intéressés, mercredi à Rabat, au phénomène d’abandon scolaire au Maroc, qui touche annuellement plus de 330 000 élèves, à l’occasion d’une table ronde organisée par la Fondation Zakoura.

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Photo d'illustration. / DR
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La Fondation Zakoura a organisé, ce mercredi à Rabat, une table ronde autour du thème «La lutte contre l'abandon scolaire au Maroc : Prévention et Résilience». Une occasion pour disséquer un phénomène toujours alarmant au Maroc et revenir sur les solutions.

Intervenant au début des travaux de cette table ronde, Mohamed Fikrat, nouveau président de la Fondation, est revenu sur les chiffres, rappelant que l’abandon scolaire concerne plus de 330 000 enfants annuellement, dont 50% dans le milieu rural. Il a ainsi appelé à mette fin à ce phénomène et à réintégrer ces enfants.

Pour sa part, Patrick Perego, expert en formation professionnelle et responsable du Programme intégré d'appui à la formation et à l'éducation au Maroc (PIAFE) a appelé à «réfléchir sur des solutions innovantes pour ce fléau social». «Il y a tout ce qu’il faut pour résorber l’abandon scolaire», a-t-il affirmé, en plaidant pour des propositions correspondant à la «réalité».

L’intervenant a également soulevé trois défis auxquels font face les acquis de la lutte contre la déperdition scolaire. Ainsi, pour les écoles de deuxième chance, il a déploré que ces établissements continuent de proposer les mêmes métiers, estimant qu’un «grand travail» doit être effectué à ce niveau. «Il faut une véritable connaissance du territoire pour proposer des qualifications qui lui correspondent», a-t-il suggéré. Patrick Perego a également évoqué le contexte de «bienveillance de l’école» pour mettre fin aux violences au sein des établissements, tout comme les problèmes d’orientation.

Un constat «alarmant»

Dalila Berrada, directrice générale de la fondation Sanady a pointé la «crise d’apprentissage», en soulevant la question de «ceux qui reste à l’école sans en avoir les compétences de base». Rappelant le travail effectué par son association déclarée d’utilité publique et travaillant dans le domaine de l’éducation nationale, elle a reconnu que les efforts entrepris jusqu’ici «profite à une catégorie mais pas à tous» les élèves.

L’associative est revenue sur la mise en œuvre d’un projet pilote basé sur la méthode «Teaching at the Right Level (enseigner au bon niveau, TaRL), développé par l'ONG indienne Pratham. Cette méthode a permis de révéler, selon elle, que «la majorité des élèves du primaire n’ont pas les compétences de bases» et se trouvent incapables de «déchiffrer l’alphabet même en langue arabe».

Le projet pilote a permis, selon elle, d’indiquer que pour 25 000 élèves au primaire, 70% dont une note de moins de 6 sur 10 en mathématique et en Français, que moins de 100 élèves sur 12 000 réussissent le test de math du TaRL alors que «très peu dépasser le premier niveau» pour la langue française.

Fouad Chafiqi, Inspecteur général au ministère de l’Education nationale a abordé, pour sa part, la question du soutien scolaire, décrivant une solution «de nature palliative». «C’est au système (éducatif, ndlr) de corriger» les problèmes d’apprentissage, a-t-il reconnu, en pointant un certain «laxisme» car le Maroc voulait «que tout le monde réussisse». Rappelant les différentes phases de la réforme du système éducatif au Maroc, le responsable a noté que la démocratisation de l’enseignement («Ecole pour tous») a nécessité de «former les enseignants autrement». Pour lui, le préscolaire était tout le temps pointé du doigt après cette réforme, alors qu’ «arriver en première année du primaire sans le préscolaire» devient aujourd’hui «une course perdue à l’avance».

L’Inspecteur général du ministère de l’Education nationale a ajouté que la réforme de 2000 a été mise en place de manière «précipitée», sans donner de l’importance au préscolaire. De plus, les «programmes ont été construits sur des bases hypothétiques», sans cohorte ni «évaluations». Pour lui, l’équation reste toutefois «complexe», car le système nécessite «un ministère fort, un ministre qui gouverne, un Conseil supérieur de l’Education qui assiste avec des avis, une société civile pour accompagner l’élan et des réformistes au niveau de la société».

Atténuer l’impacte de la déperdition scolaire

De son côté, El Hassan El Mansouri, secrétaire général de l’Observatoire national du développement humain (ONDH) a insisté sur les 3E, soit les élèves, les enseignants et les établissements, pour la recherche des solutions, rappelant que l’enquête sur les performances scolaires de l’ONDH avait révélé que 3% seulement des enseignants ont des notes de 8 sur 10 dans la langue française. Il a ainsi appelé à «penser» l’éducation dans sa globalité. Le responsable a également appelé à intégrer le préscolaire dans le système éducatif «car c’est l’avenir».

La question d’abandon scolaire a débouché sur une autre, concernant les NEETs (Not in Education, Employment or Training), soit les personnes sans emploi, ne poursuivant pas d'études et ne suivant pas de formation au Maroc. El Hassan El Mansouri a ainsi rappelé que cette catégorie représente près de 30% des jeunes de 15-24 ans au Maroc. «Ce chiffre interpelle», a-t-il insisté, en estimant que le phénomène «menace la paix sociale». «Ces personnes sont exclues de tout et ce phénomène est observé partout au Maroc», a-t-il ajouté.

Fouad Chafiqi a distingué, pour sa part, deux catégories des NEETS : «Ceux en déperdition scolaire, sans avoir fini leur formation», soit ceux qui quitte de la fin du primaire et avant la fin du collège» ainsi que «les jeunes lycéens qui ne pensent pas à continuer leurs formations ou qui n’ont pas d’offre pédagogique pour faire un choix». Il a ainsi fait part de «l’engagement du ministère à réduire d’un tiers la déperdition scolaire» et à «diversifier l’offre scolaire», dans le cadre de la feuille de route qui sera mise en place dans les prochaines semaines par le département.

Enfin, Dalila Berrada a rappelé que les NEETS se trouvent principalement dans les milieux urbain et périurbain, en insistant sur l’importance de l’orientation avant le primaire «pour que les élèves connaissent l’existence de solutions».

La Fondation Zakoura a profité de la table ronde pour présenter ses deux solutions à l’abandon scolaire. Il s’agit d’une «Mallette pédagogique» élaborée par Zakoura Lab dans le cadre du programme de remédiation scolaire ainsi qu’un nouveau concept d’école de deuxième chance (E2C) de nouvelle génération.

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