En même temps, je suis triste. Triste parce que le magazine pour lequel je travaille aurait pu éviter de recourir inutilement à l'expression "péril noir" pour évoquer la question des clandestins subsahariens au Maroc. Cela crée un dangereux amalgame qui met toute la communauté noire du pays dans un même sac. Surtout, ironie de l’histoire, que l'article qui traite de la question, et que j'ai lu bien avant la fabrication de la Une, n'est aucunement raciste, ni singulièrement à charge. Plus que cela, mon collègue Abdelhak Najib a même pris la défense de ceux dont on dit qu'ils sont des "clandestins" - terme que je ne cautionne pas parce que, naïvement, peut-être, je considère que la Terre n'appartient à personne. Page 18, par exemple, il y a une photo dont la légende appelle à l'application du droit du sol pour les centaines d'enfants subsahariens nés sans papiers au Maroc. J’en profite pour inviter les gens à compléter leur lecture de la couverture par ledit article.
A titre personnel, lorsque j'ai eu la première mouture de la Une sous les yeux, j'ai été décontenancé au point d’en arriver tout de suite au point Godwin. Et j'ai dit que je la désapprouvais. Et aujourd'hui, encore, je la désapprouve, comme je la désapprouverai toujours. Je me suis particulièrement senti gêné vis-à-vis de mon meilleur ami, Adil, d'origine kino-congolaise. En colocation, actuellement, dans la ville de Casablanca, nous avons débattu de la chose jusqu'à tard dans la soirée. Conclusion? Nous n'aurons plus le droit, après cela, de crier au racisme antimarocain en Occident, comme lorsque, en mars 2012, le Parti autrichien de la liberté (FPÖ), d'extrême droite, avait brandi sur une affiche "l'amour de la patrie plutôt que des Marocains voleurs".
J'ai aussi repensé à mes autres amis, les Sénégalais Halima et El Hadj et les Béninois Faozane et Roland, que j'ai fréquenté durant quatre ans du temps de mes études de journalisme à l'Institut supérieur de l'information et de la communication (ISIC), dans la capitale, Rabat. Tiens, d'ailleurs, voilà tout justement quatre exemples de Subsahariens qui ne vivent pas de mendicité, qui ne s'adonnent pas au trafic de drogue et à la prostitution et qui ne posent de problème ni humain ni sécuritaire pour le pays. Quatre Subsahariens qui, grâce à leur compétences, ont obtenu un emploi stable ici-même. Sincèrement, j'espère que cette Une sera la dernière du même acabit, dans MHI ou dans n’importe quel autre média.