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Grand Angle

Halal : Les certifications, talon d’Achille du Maroc l’empêchant de profiter d'un marché juteux

Pour l’économiste Taib Aisse, les pouvoirs publics au Maroc «ne s’intéressent pas au potentiel» du halal, alors que l’absence de certifications mondialement reconnues continuent d’empêcher le royaume et les pays musulmans à profiter de ce marché mondial.

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Photo d'illustration. / Usine Nouvelle
Temps de lecture: 3'

Le Centre islamique pour le développement du commerce (CIDC), l'un des sept organes subsidiaires de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) a dévoilé récemment son rapport annuel sur l'économie halal. Le rapport y indique que les États membres de l'OCI ont enregistré un déficit commercial de 63 milliards de dollars (MM$) américains pour les produits de l'économie halal en 2021, couvrant l'alimentation, la mode, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques.

Selon le rapport, les exportations des pays de l’OCI ont atteint, en 2021, 275 MM$ alors que les importations ont totalisé 338 MM$. De plus, «seuls 18% de ces importations provenaient d'autres États membres de l'OCI, tandis que seuls trois pays de l'OCI (Turquie, Indonésie et Malaisie) se sont classés parmi les 20 principaux exportateurs de produits de l'économie halal».

Les pays occidentaux dominent les exportations

Rien que pour les produits alimentaires, les États membres de l'OCI ont importé 232,61 MM$ en 2021 contre 163,57 MM$ pour les exportations, «ce qui en fait des importateurs nets avec une balance commerciale négative de 69 milliards de dollars».

Dans son indice du commerce et de l'investissement dans l'économie halal, l’OCI classe aussi le Maroc 9ème, derrière la Malaisie, les Emirats arabes unis, l'Arabie Saoudite, la Turquie, Bahreïn, l’Indonésie, l’Egypte et Iran et devant le Kazakhstan (10e).

«L’économie Halal au niveau international est très importante. Il faut savoir aussi que les pays musulmans ne sont pas les principaux exportateurs et les musulmans ne constituent pas les seuls clients», nous rappelle cette semaine l’économiste Taib Aisse. «Les premiers consommateurs se trouvent aussi en Amérique du Nord, en Asie dans l’Europe de l’Est car il y une partie importante de non-musulmans qui demandent ces produits et en consomment», souligne-t-il.

Rappelant l’importance de ce marché, l’économiste regrette que «les pays musulmans n’ont pas su exploiter ce marché et ont raté l’opportunité au profit de pays en Europe de l’Est, en Amériques et en Australie, qui ont compris l’importance de ce marché et y ont investi».

Le potentiel d’un marché sous exploité par le Maroc

Interrogé sur le sous exploit de ce marché par le Maroc, l’économiste explique que le halal «nécessite deux choses : une production halal à travers une machine de production respectant les normes, ainsi qu’une certification halal». «Celle-ci est attribuée par des organismes mondiaux respectueux et disposant de la crédibilité», ajoute-t-il. Ainsi, «une certification halal reconnue au niveau mondial est nécessaire pour exporter».

«Au Maroc, nous disposons d’une certification halal mais elle n’est reconnue que localement. En revanche, celle de la Malaisie est reconnue sur le plan international. A titre d’exemple, la viande produite au Maroc est halal, mais si elle est exportée en Amérique ou en Europe, les consommateurs du halal préféreront celle produite par un autre pays disposant d’une certification halal reconnue.»

Taib Aisse

Pour l’expert, «les pouvoirs publics ne s’intéressent pas au potentiel présenté par ce marché» et «l’économie marocaine rate ainsi une occasion en or pour un marché important, sachant que le royaume a le potentiel, plus que d’autres, d’en profiter, étant avant tout un pays musulman». «Il faut ainsi mener des campagnes marketing pour mettre en avant les atouts, investir dans le processus de production et miser sur les certifications. Celles-ci doivent avant tout être mondialement reconnues», tient-il à préciser.

Taib Aisse rappelle aussi que «le halal ne concerne pas seulement l’abattage, car le marché concerne d’autres produits alimentaires, financiers, de cosmétique,…». «Son concept est beaucoup plus large, pour exclure tout produit nocif pour la santé et l’environnement», indique-t-il en rappelant ce concept se rapproche des «Maqâsid ash-Shar’îah» (Finalités de la Loi sacrée) en islam, à savoir «la sauvegarde de la religion (dîn), de la vie humaine et de la dignité de la personne physique (nafs), de la raison (‘aql), de la progéniture (nasl, c’est-à-dire la famille) et des biens (al mâl)). «En Europe, ils sont très sensibles à la question de l’environnement. Certains boycotteront même un produit s’ils apprennent qu’il impacte négativement l’environnement. Ce sens large est ainsi universel et touche les non-musulmans et les musulmans», conclut l’économiste.

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