Comme annoncé par le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Juan Mendez, le 22 septembre à Rabat, le CNDH a présenté, mardi, un rapport sur les prisons. Pendant cinq mois, une mission d’inspection de cet organisme officiel a visité plusieurs centres pénitenciers. Pour une fois la langue du bois est bannie. Il est plutôt question d’ «exactions observées dans la plupart des prisons visitées, avec une prévalence et une intensité qui diffèrent d’une prison à l’autre», indique le document.
En présence du patron de la Haute délégation des prisons, Hafid Benhachem, les membres du CNDH n’ont pas fait dans la dentelle, relevant une série de violations des droits de l’Homme qui «se manifestent par des coups portés aux moyens de bâtons et de tuyaux, la suspension sur des portes à l’aide de menottes, les coups administrés sur la plante des pieds, les gifles, les pincements à l’aide d’aiguilles, les brûlures».
A ces sévices corporels s’ajoute une baisse de la dotation alimentaire consacrée à chaque détenu : «de 15 dh, il y a quelques années, elle a été réduite à 12 dh seulement»
Benhachem change de ton
Au sortir de cette réunion, et aux micros de 2M et Al Oula, Benhachem a opté pour un langage nouveau, reconnaissant certaines mauvaises conduites de quelques agents de son administration, annonçant le chiffre de 260 mesures disciplinaires contre ceux qui ne se sont pas conformes à la loi et promettant, dans l’avenir, de sévir avec fermeté. Ce nouveau ton de Benhachem tranche complètement avec celui qu’il a adopté, en juillet devant la Commission de la justice au parlement, lors du débat sur une visite d’une délégation parlementaire à la prison d’Okacha à Casablanca. Pour mémoire, le délégué général de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion a nié en bloc toutes les observations des députés.
Sur la même longueur d’onde que l’AMDH
«L’élaboration de ce rapport est la conséquence de l’élargissement des prérogatives du CNDH. Il a désormais le droit de visiter les prisons et les hôpitaux psychiatriques. La direction de cet organisme a promis la préparation de nouveaux rapports sur les centres de détentions des mineurs, les locaux de police et de la gendarmerie», nous confie Abdelilah Benabdeslma, le vice-président de l’AMDH. Et de constater que «les observations du CNDH sont quasiment identiques aux miennes à une seule exception : elles émanent d’un organisme officielle et d’une ONG. C’est une première".
La balle est dans le camp de Ramid
«Les violations et les exactions énoncées dans le rapport du CNDH devront inciter le ministre de la Justice à ordonner au parquet l’ouverture d’une enquête. Dans les pays démocratiques, c’est une pratique courante qui consacre le principe de la reddition des comptes», relève Abdelilah Benabdeslam.
A la question de savoir si l’AMDH, qui bénéficie du statut d’ONG d’utilité publique, allait-elle se constituer en partie civile et déposerait une plainte devant la justice contre la Délégation des prisons, Benabdeslam estime que «c’est au bureau de l’association que revient cette décision», marque un temps d’arrêt et annonce que «c’est une option qui n’est pas à écarter».
Bien qu’elle jouisse d’une certaine indépendance, la Délégation générale de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion est placée directement sous la tutelle du chef de gouvernement. Par ailleurs, le rapport du CNDH sur les prisons sera prochainement présenté, dans son intégralité, au roi Mohammed VI.