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Grand Angle

Le Maroc appelé à «améliorer» son administration et son régime fonciers

Dans un rapport, la Banque mondiale a souligné «la complexité des cadres juridiques régissant les terres dans les pays de la région» MENA, appelant le Maroc et ses voisins à assurer l’accès au foncier aux femmes, aux investisseurs étrangers et aux entreprises et à «améliorer» leurs administrations et leurs régimes fonciers.

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Photo d'illustration. / DR
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La dégradation des terres et la désertification, en cours depuis longtemps dans la région MENA, notamment au Maroc, en Algérie, en Égypte, et en Iran, a des coûts économiques élevés. Ces processus qui «découlent à la fois de facteurs climatiques et anthropologiques», indique la Banque mondiale. Dans un rapport sur la crise foncière dans la région, l’institution a rappelé que «le coût de la dégradation représente environ 1 % du PIB de l'Algérie et de l'Égypte et 0,5 % du PIB du Maroc et de la Tunisie». Elle coûte en moyenne 1 % du PIB dans les pays de la région.

Intitulé «Land Matters : Une meilleure gouvernance et une meilleure gestion de la rareté peuvent-elles prévenir une crise imminente au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ?», le rapport pointe, entre autres, «la complexité des cadres juridiques régissant les terres dans les pays de la région». Un «résultat de l'accumulation au fil du temps de couches de régimes coutumiers et statutaires, ainsi que de l'utilisation continue de catégories foncières fragmentées», déplore-t-elle.

Des lois foncières «interprétées» différemment au Maroc

Pour les rédacteurs du rapport, cette accumulation de couches de régimes coutumiers et statutaires «découle des lois ottomanes du XIXe siècle, des lois coloniales du début du XXe siècle et des lois postindépendance plus récentes». L’occasion de citer le Maroc, où les textes pour le foncier restent «extrêmement complexes».

«Au Maroc, par exemple, les lois issues de la coutume, de la shariʻa, de la période coloniale française et de la période postindépendance ont créé un pluralisme juridique régissant le régime foncier, l'administration foncière et la gestion foncière des terres. En raison de toutes ces couches, la reconnaissance et l'enregistrement de la propriété foncière et de l'accès à la terre - en particulier pour les terres agricoles et les terres soumises à divers régimes fonciers coutumiers - sont extrêmement complexes.»

Extrait du rapport 

La Banque mondiale pointe, dans ce sens, la «mesure dans laquelle les lois foncières officielles du Maroc sont appliquées et interprétées» qui «dépend de l'emplacement, de la propriété et du contrôle local sur les questions foncières». «Dans la région rurale du Moyen Atlas, certains conseils de village peuvent appliquer des règles coutumières d'accès et d'utilisation des terres qui sont contraires à la politique officielle du gouvernement, alors que dans les zones agricoles irriguées, la loi formelle est plus susceptible d'être appliquée», ajoute-t-elle.

Outre les lois, le rapport pointe une «faiblesse de l'impôt foncier» dans la région, bien que le Maroc se distingue, avec Israël, comme étant les deux pays qui «tirent le plus de recettes de l’impôt foncier», avec 1,6% du PIB pour le cas du Maroc. A cet égard, le rapport reproche au gouvernement sa «réticence» à «augmenter la charge fiscale globale». «Il n'a guère envie d'augmenter les taxes foncières qui ne peuvent être compensées par des baisses d'autres taxes», estime-t-on.

L’accès au foncier pour les femmes, les étrangers et les entreprises

Pour le cas du Maroc, le rapport souffle le chaud et le froid s’agissant de l’accès au foncier. S’il pointe «les obstacles auxquels se heurtent les entreprises pour accéder à la terre», qui peuvent être réduite pour des entreprises «politiquement connectées», il critique également l’accès des femmes, notant que «37% des femmes (contre 7% des hommes) au Maroc s'inquiètent» de perdre des biens en cas du décès du conjoint ou du divorce.

Le rapport s’étale aussi sur l'accès au foncier pour les étrangers, soulignant qu’au Maroc, «la complexité du cadre juridique de l'accès à certaines terres (comme les terres coutumières) empêche les étrangers d'investir dans certains secteurs économiques comme l'agriculture».

Le cas des terres collectives des Soulaliyates est également abordé. Le document rappelle, en effet, que le mouvement des Soulaliyates a obtenu de nombreuses réformes législatives notables en faveur des femmes, comme leur reconnaissance formelle comme bénéficiaires de compensations suite au transfert de terres collectives. Cependant, bien que l'approbation de la loi 62-17 a cimenté une étape importante dans la lutte pour l'égalité des sexes en matière de droits fonciers, qui a duré plus d'une décennie, «seuls 128 hectares ont été distribués à 867 femmes, qui ont depuis gardé le contrôle de ces terres», déplore-t-on.

Le rapport rappelle aussi qu’au Maroc, «un processus de "melkisation" a été mis en place depuis la fin des années 1960 pour convertir les terres collectives en terres privées individuelles (melk). Cependant, jusqu'à présent il a eu peu de succès en raison de problèmes de coordination institutionnelle, de difficultés à traiter la question de la copropriété et de l'exclusion des femmes des bénéficiaires».

La Banque mondiale appelle ainsi les pays de la région MENA à «améliorer l'administration et le régime foncier». «La prise de décisions éclairées et l'amélioration de l'allocation et de l'utilisation des terres dépendront de la modernisation de l'administration foncière. L'évaluation des lacunes et des contraintes en matière de capacités techniques, financières et opérationnelles aidera chaque pays à déterminer l'ampleur des réformes nécessaires et la feuille de route réalisable», recommande-t-elle en reconnaissant que «des politiques visant à moderniser l'administration foncière ont été mises en œuvre dans les pays du Golfe et sont envisagées ou formulées en Égypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc, en Tunisie, en Cisjordanie et à Gaza».

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