Il était 5h45 environ, selon l'AFP, quand 73 militants se revendiquant de «Génération Identitaire», un groupuscule d’extrême droite, ont envahi le chantier de la mosquée de Poitiers, commune située en Poitou-Charentes, à près de 340 km au sud-ouest de Paris. Ils avaient, d’abord, investi le toit du lieu de culte avant d’y déployer une grande banderole, en jaune et noir, sur laquelle était inscrit «732 Génération Identitaire», en référence à la bataille du 25 octobre 732 où Charles Martel avait arrêté la conquête des Arabes à Poitiers.
Ce n’est que quelques heures plus tard, peu avant 13h, que la police est parvenue à évacuer les lieux. «On avait l'intention de rester plus longtemps mais comme on n'a pas du tout l'intention de s'affronter physiquement, nous repartons avec la police, dans la bonne humeur sans que cela se finisse mal», a indiqué Damien Rieue, un porte-parole du mouvement cité par AFP. Quatre de ces militants, deux étudiants et deux actifs âgés de 23 à 26 ans, ont aussitôt été placés en garde à vue. Cette dernière a, d’ailleurs, été prolongée dimanche, précise la même source.
Indigné, le CFCM dénonce «une occupation sauvage sans précédant»
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) était parmi les premiers à réagir. Dans un communiqué diffusé quelques heures après les faits, le conseil a exprimé « sa forte indignation» face à cette occupation qu’il a condamné «avec la plus grande vigueur». «Cette occupation grave, sauvage et illégale, accompagnée de slogans hostiles à l’islam et aux musulmans, est sans précédent dans l’histoire de notre pays», a estimé le CFCM, tout en soulignant «sa profonde inquiétude face à cette nouvelle forme de violence antimusulmane qui témoigne une fois de plus de la volonté de ces groupuscules de mettre en péril notre vivre ensemble et notre cohésion nationale par l'incitation à la haine et à la division».
Une «haine religieuse inacceptable»
Le CFCM n’est pas le seul à avoir exprimer son indignation. La classe politique était, en effet, quasi unanime, à condamner cette occupation, à commencer par le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault. «Je condamne fermement cette provocation qui révèle une haine religieuse inacceptable», a-t-il déclaré, ajoutant que cet envahissement était «une agression contre la République et ses valeurs».
Même son de cloche du côté de son ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Ce dernier a dénoncé «la provocation haineuse et inadmissible» ainsi que «les amalgames douteux» de ce groupe d’extrême droite. Valls a également «garantit que l'Etat fera preuve de la plus grande fermeté face aux manifestations d'intolérance qui déchirent le pacte social».
«La République laïque est la garante de la liberté de culte dans notre pays : elle ne peut tolérer aucune agression envers une religion ni aucune forme d'intégrisme», écrit, pour sa part, Jean François Copé, qui avait lui-même provoqué , il y a quelques jours, l’indignation des musulmans de France, en affirmant qu’un enfant s’était fait arracher son pain au chocolat par des «voyous» musulmans pendant le ramadan. Cette fois, le secrétaire général de l’UMP a choisi de défendre « la laïcité» qui, selon lui, est «la clé du vivre-ensemble».
Le Parti socialiste et le Parti communiste ont, eux, réclamé la dissolution du mouvement. «Je demande la dissolution de ce groupuscule fanatique dont les agissements violents sont une menace pour l'ordre public, la sécurité des personnes et pour la cohésion républicaine», écrit le premier secrétaire du PS Harlem Désir, dans un communiqué. «Ce groupuscule doit être dissous et ses responsables poursuivis pour provocation à la haine raciale», déplore de son coté le PCF.
Marine Le Pen comprend mais «n’approuve pas le mode d’action»
Interrogée par RTL, la présidente du Front national s’est dite «atterrée» par les «réactions d'hystérie de la classe politique». «Je comprends les craintes et les préoccupations de la construction de ces gigantesques mosquées, ces mosquées-cathédrales avec des minarets de 22 mètres sans d'ailleurs bien souvent que l'avis des riverains ait été sollicité», a-t-elle déclaré.
«Moyennant quoi, je ne partage pas ce mode d'action car je respecte la loi de 1905, que j'essaie de faire appliquer en toutes circonstances et je pense que les lieux de culte ne sont pas le lieu de l'expression politique», a-t-elle, toutefois, ajouté.
Mission accomplie pour les Identitaires
Une chose est sûre, en organisant la dite occupation, les militants de Génération Identitaire ont beaucoup fait parler d’eux. «Pour nous c'est un succès», s'est félicitée dimanche Louise Demory, porte-parole également de ce mouvement. «Nos objectifs ont été accomplis», clame-t-on également sur le site web du groupe. Et d’ajouter : «Forts du millier de nouveaux contacts que nous allons désormais traiter, nous allons pouvoir continuer la structuration de Génération Identitaire. Et évidemment, plusieurs autres actions sont déjà prévues».
En attendant, une enquête a été ouverte par le procureur de la République de Poitiers, Nicolas Jacquet, pour «manifestation non autorisée, provocation à la haine raciale, participation à un groupement en vue de la préparation de dégradation de biens en réunion».