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Grand Angle  

France : La Cour de révision annule la condamnation pour viol de Farid El Haïry

23 ans après avoir été mis en accusation pour un viol qu’il n’a pas commis, Farid El Haïry a enfin entendu de la justice qu’il était innocent. Jeudi, la Cour de révision en France l’a reconnu comme étant le douzième réhabilité de la république, depuis 1945.

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Farid El Haïry et son avocat Frank Berton / DR.
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La Cour de révision à Paris a reconnu solennellement, jeudi 15 décembre, l’innocence de Farid El Haïry. Le 19 décembre 2003, la Cour d’assises des mineurs du Nord l’a condamné à cinq ans de prison, dont quatre ans et deux mois avec sursis, pour agression sexuelle et viol aggravé sur une mineure. En 2017, la plaignante a retiré son témoignage, en reconnaissant avoir menti pour taire les incestes répétés de son grand frère. Issu d’une famille franco-marocaine, Farid El Haïry, 41 ans aujourd’hui, devient le douzième réhabilité de la Ve République.

«Rien ne subsiste à la charge de M. Farid El Haïry. L’affaire est terminée et cette décision vous lave de toute accusation», a déclaré le président de la Cour de révision, Nicolas Bonnal. L’accusation a été portée en 1998 par une par une adolescente de 15 ans. Farid El Haïry, 17 ans à l’époque, avait passé onze mois et vingt-trois jours en détention provisoire. Frank Berton, son avocat, va lancer une procédure d’indemnisation pour détention provisoire abusive.

Après la condamnation, le nom de Farid El Haïry a été inscrit au fichier national des délinquants sexuels. De ce fait, il a été tenu de pointer chaque année au commissariat pendant quinze ans. Désormais, le nom de l’homme réhabilité sera supprimé de tous les fichiers policiers et judiciaires. La mention à son casier judiciaire sera définitivement effacée. La Cour de révision a ordonné l’affichage de la décision dans la ville d’Hazebrouk (Nord), où vit Farid, ainsi que dans les quotidiens La Voix du Nord, Le Monde, le Figaro et Libération.

Invité hier au plateau de C à vous sur France 5, il a exprimé son soulagement, ne réalisant toutefois pas encore avoir été innocenté.

Le président de la Cour s’est ainsi adressé à Farid El Haïry :

«A titre personnel, la dignité dont nous avons été témoin me conduit à espérer que, malgré le caractère limité de la réparation que nous vous offrons, l’avenir pour vous se présentera à partir de ce jour de façon différente.»

Nicolas Bonnal, président de la Cour de révision

Outre l’aspect de l’erreur judiciaire que revêt l’affaire El Haïry, Me Berton a précédemment souligné les dimensions racistes de la succession des faits, depuis 1998. Son client a rappelé que dans le village du Nord, à l’époque, toutes les familles se connaissaient. Les luttes d’influence ne manquent pas, mais aussi les contrôles au faciès par les gendarmes.

Réparer 23 ans de conséquences de l’accusation

Farid est issu d’une famille ouvrière. Son père est travailleur marocain et sa mère française employée d’école. Le long de l’enquête et de sa détention préventive, il est désigné comme «l’arabe». Déjà déscolarisé à 17 ans, il est le coupable idéal, face à la plaignante issue d’une famille d’entrepreneur influente au niveau local.

Vue ainsi, la légèreté de la peine face aux faits allégués suggère deux hypothèses, selon Franceinfo. «Soit les juges et les jurés de l’époque ont fait preuve d’une étonnante bienveillance, en décidant de ne pas accabler un jeune homme à l’aube de sa vie d’adulte, en dépit des faits très graves dont ils l’avaient déclaré coupable. Soit ils ont douté, et ont enfoui leur trouble sous une peine légère, avec l’espoir qu’il ne ferait pas appel, ce qui s’est produit, au mépris du principe selon lequel le doute doit bénéficier à l’accusé».

Enfin, l’insistance de la plaignante à enclencher une procédure de recours interroge sur la réactivité de la justice face à des actions qui doivent donner lieu à une révision. En effet, la femme a écrit un premier courrier au procureur de la république de Douai en 2017, affirmant avoir fait condamner un innocent et évoquant l’inceste partiellement reconnu au sein de sa famille. Mais cette lettre est restée sans suites. Un an plus tard, il a fallu qu’elle envoie une deuxième missive au parquet, insistant sur ses propos de 2017 et exprimant beaucoup de désarroi. Ce n’est qu’après que le ministère public a décidé de saisir la Cour de révision.

Sur le plateau de BFM TV, en ouverture de l’examen de demande de révision ordonnée par le parquet, Farid El Haïry a exprimé son espoir que sa famille puisse voir le bout du tunnel. «C’est moi qui ai été condamné et qui ai fait la prison, mais mes frères et mes parents ont subi tout cela avec moi», a-t-il déclaré, d’autant que ses parents sont en soins palliatifs.

Se disant désormais «marqué au fer rouge», il a espéré que ses proches «puissent profiter de cette bonne nouvelle» et être enfin confortés dans leur conviction de l’innocence de leur fils.

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