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Grand Angle

Mondial 2022 : En 2006, le film «Wake up Morocco» a imaginé le Maroc en demi-finale

Brillant au football et sur le grand écran, Walid Regragui a joué son propre rôle dans le film «Wake up Morocco», réalisé par Narjiss Nejjar, sorti en 2006 et où l’on voit une équipe nationale en demi-finale du Mondial, pour la première fois de l’Histoire du ballon rond. 16 ans plus tard, la fiction est rattrapée par la grande Histoire, avec l’ex-international marocain qui conduit lui-même les Lions de l’Atlas aux phases finales de la grand-messe.

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Walid Regragui dans le film «Wake up Morocco», écrit et réalisé par Narjiss Nejjar (2006)
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En 2006, le film «Wake up Morocco» a imaginé que la sélection nationale de football avait atteint la demi-finale de la Coupe du monde, pour la première fois de son histoire. L’opus est un voyage à travers le temps, qui rend un vibrant hommage aux talents sportifs d’hier et d’aujourd’hui. Ode à Larbi Benbarek, ou encore à Hicham El Guerrouj et à son exploit olympique, en passant par les Lions de l’Atlas finalistes de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2004, le récit principal est celui d’un ancien footballeur, vivant avec sa petite-fille sur un îlot casablancais.

Le personnage de l’ex-champion, interprété par le défunt acteur Hassan Skalli, pense constamment à la finale qu’il aurait pu gagner, s’il n’avait pas passé la nuit avec une femme. Son environnement présent est rythmé par une liesse collective autour du sport et particulièrement du football. Pour cause, le Maroc participe à un Mondial dont l’organisation aurait pu lui être attribuée, si elle n’avait pas été confiée à l’Afrique du Sud. Des enfants s’interrogent s’il est possible pour eux aussi d’être les champions de demain. Des adultes rêvent que les déceptions du passé ne soient plus que de vieilles histoires, grâce à des jeunes qui pourront écrire l’Histoire à nouveau.

Walid Regragui dans son propre rôte, auteur d’une passe décisive

A l’âge adulte, Jad, interprété par Mourad Zaoui, fait partie du Onze national qui voyage en Afrique du Sud pour défendre les couleurs du pays au Mondial. Lors de la grand-messe, le Maroc se qualifie pour la première fois de son Histoire aux demi-finales. Les supporters sont conquis, au moment où l’exploit est célébré en grande pompe dans tout le pays. Jouant pour leur qualification à la finale, dans le film, des Lions de l’Atlas ont été choisis par la réalisatrice pour incarner leur propre rôle. On y retrouve particulièrement six : Youssef Hadji, Abdeslam Ouaddou, Houssine Kharja, Yassin Abdessadki, Jamal Alioui, et… Walid Regragui. Ce dernier fait une passe de ballon décisive à Hajdi, qui marque le but de la qualification par un coup de tête, créant le déchaînement des supporters dans le stade, des aficionados dans les rues marocaines, et des commentateurs dans les médias à travers le monde.

Seize ans après la sortie du film, la petite histoire semble se faire rattraper par la grande Histoire, en mieux. Aujourd’hui ex-international, Walid Regragui, sélectionneur national, conduit lui-même les Lions de l’Atlas en demi-finale du Mondial 2022, qui se tient en ce moment au Qatar. Mercredi 14 décembre, l’équipe défendra sa qualification à la finale, face à son homologue française. Ces dernières heures, l’opus de Narjiss Nejjar a ainsi été remis en avant sur les réseaux sociaux, où plusieurs internautes s’exclament de voir combien «Wake up Morocco», parti d’un rêve collectif, rejoint plus ou moins la réalité. Pourtant, à sa sortie, le long-métrage n’a pas été fortement acclamé par la critique, rappelle pour sa part le cinéaste Mohamed Mouftakir.

S’exprimant également sur les réseaux sociaux, concernant l’engouement des internautes pour cet opus, surtout lors qu’il y ont redécouvert Walid Regragui, le réalisateur estime que «le temps rend justice». «Un film et un titre étranges dont l’histoire rêvée est devenue aujourd’hui une actualité déroutante, voire bouleversante par sa beauté vécue au quotidien, jour après jour. Un film qui avait suscité, lors de sa sortie, quelques rires et quelques moqueries de certains soi-disant gardiens du temple qui dégainent trop vite. Un film accusé de chauvinisme gratuit lors de sa sortie, alors qu’il n’était qu’un simple film rêvé innocemment par sa réalisatrice qui a essayé, selon sa sensibilité, sa manière, ses moyens et ses convictions de nous raconter l’histoire d’un rêve, juste un rêve, ou plutôt la possibilité d’un rêve», a-t-il écrit.

«L’art a toujours été un rêve visionnaire en avance sur son temps. Le rêve est par essence dynamique, car il fait avancer l’Histoire (…)», écrit encore le réalisateur, selon qui «la victoire de l’équipe nationale marocaine au Mondial 2022 le démontre si bien». «Elle est une bonne leçon pour nous tous et pour nos décideurs aussi, afin de tendre la main et faire confiance à nos compétences. Elle l’est aussi pour cette nouvelle génération, nos petits enfants qui ont grandi avec l’idée que plus rien n’est rêvé, que plus rien n’est possible, que plus rien n’est faisable», a-t-il ajouté.

Un film dont les salles de cinéma n’avaient pas voulu

Le film ne traite pas uniquement de sport. Il se saisit aussi des questions des libertés. On y voit notamment la journaliste et écrivaine Leïla Slimani, lors d’un plaidoyer face à Mohamed Achaour. A la sortie de «Wake up Morocco», Narjiss Nejjar l’a décrit comme étant «un film sur la foi et la liberté». «Mon film défend la liberté d’être, particulièrement, vu que les détenteurs de l’ordre moral nous entourent toujours», avait-t-elle déclaré, dans le cadre de la projection qui a eu lieu pendant la sixième édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM). «Je rêve d’un monde parfait, mais je sais qu’un monde pareil n’existe pas. Cependant, le cinéma me permet de l’obtenir», avait-elle encore dit.

Contactée ce lundi par notre rédaction, la réalisatrice a tenu à remercier en particulier le roi Mohammed VI, «qui a cru en ce projet et donné ses directives pour que le tournage soit plus facile, comme il le fait pour d’autres artistes avec une élégance rare». Elle a confirmé, par ailleurs, que «ce film a été un parcours du combattant, aussi bien en termes de production, de mise en scène que de distribution».

«Peu d’exploitants ont en voulu en salles, arguant que le film ne ferait pas d’entrées car il est trompeur, pas crédible, qu’un Maroc en demi-finale [du Mondial, ndlr] est une pure utopie. Alors aujourd’hui, c’est à la jeunesse marocaine que je m’adresse : la victoire de notre équipe nationale est une leçon d’espoir mais surtout de détermination et de solidarité. Ne lâchez jamais vos rêves, gardez-les bien chevillés et ne les perdez ni des yeux, ni du cœur.»

Narjiss Nejjar

Pour Narjiss Nejjar, «il n’y a rien de plus invincible que la force du mental, malgré les épreuves, les embûches, les coups durs et les coups bas». «Il ne suffit pas de brandir notre drapeau pour être Marocain. C’est un travail à plein temps, un travail de tous les instants», a-t-elle également écrit, sur ses réseaux sociaux. «Soyons fiers ! nous sommes déjà des champions quelle que soit l’issue du match, mercredi, et nous continuerons de l’être, par le ballon, par la plume, par la force du poignet, par l’art et la culture, par nos artisans, par tous les soldats valeureux de l’ombre et par tous les autres qui, en silence, rendent grâce au Made in Morocco», a ajouté la cinéaste.

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