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Grand Angle

Diaspo #267 : Samira Tayebi, première maire de ville franco-marocaine élue en France

Première adjointe socialiste au maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Samira Tayebi a été élue maire, devenant la première femme à la tête de la ville depuis 1947 et la première maire d’origine marocaine en France. Issue de la vie associative, elle joint désormais ses deux champs de prédilection : l’éducation et la gestion de la chose publique.

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Samira Tayebi, nouvelle maire de Clichy-Sous-Bois / Ph. Mairie de Clichy-Sous-Bois
Temps de lecture: 4'

Samedi 3 décembre 2022, la première adjointe socialiste au maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Samira Tayebi, a été élue maire par 30 voix sur 31, lors d’un conseil municipal. Elle succède désormais à Olivier Klein (Divers gauche), qui a été nommé, en juillet dernier, ministre délégué à la Ville et au logement. Elle devient ainsi la première femme à être élue à la tête de la ville, depuis 1947, mais aussi la première franco-marocaine à être conduite ce à poste. Enseignante en petite section de maternelle, elle croit fort en l’éducation comme vecteur de valeurs de réussite.

Native de Montfermeil (Seine-Saint-Denis) en 1972, Samira Tayebi est l’aînée d’une fratrie de trois filles et de trois garçons. «Mon grand-père est arrivé en France dans les années 1960 et mon père en 1968, avant de repartir au Maroc, où il a épousé ma mère, en 1971, pour revenir en France, où je suis née un an plus tard», se souvient la maire nouvellement élue. Dans son environnement familial, l’école tient une place importante, voire prioritaire.

«La plus grande frustration de ma mère est de ne pas avoir pu continuer ses études, alors qu’elle aimait l’école et qu’elle était une très bonne élève. A la fin du primaire, elle a malheureusement été déscolarisée. Elle s’est alors jurée que lorsqu’elle aurait des enfants, elle ferait tout pour qu’ils étudient le plus longtemps possible.»

Samira Tayebi

Olivier Klein et Samira Tayebi après son élection, samedi 3 décembre 2022Olivier Klein et Samira Tayebi après son élection, samedi 3 décembre 2022

L’école, une affaire de famille

Samira Tayebi a «une grande admiration» pour sa mère, qui a été pour beaucoup dans sa conception de l’importance de l’enseignement. «Même si elle a arrêté l’école à un jeune âge, je l’ai toujours vue lire. Elle a toujours lu en français et en arabe, tout en parlant correctement ces deux lagues. Je trouve formidable qu’elle ait pu continuer son apprentissage, avec une grande envie. Elle a su transmettre cette hargne à ses filles comme à ses garçons», nous déclare-t-elle.

La maire de ville se souvient d’une maman bienveillante et constamment soucieuse de la scolarité de ses enfants, à commencer par sa fille aînée. «Elle a toujours été derrière moi, elle était heureuse de me voir tenir un livre entre les mains. L’école de la république m’a donné aussi cette chance de pouvoir continuer, en travaillant beaucoup, d’autant que mes parents n’ont pas lésiné sur les moyens», nous confie-t-elle encore.

Issue d’une famille ouvrière, Samira Tayebi se rappelle que ses parents ont tout investi dans l’éducation. «Nous allions à l’école, mais nous faisions aussi l’étude, le soir, des cours particuliers, ainsi que les voyages scolaires, les activités sportives. Nos parents ont capitalisé sur la qualité de notre enseignement et de notre épanouissement, même s’ils n’avaient pas un gros salaire, car c’était pour eux le moyens de faire que leurs enfants s’en sortent», nous dit encore la maire de ville.

«Ma mère nous disait souvent qu’elle avait quitté son pays et sa patrie, mais qu’elle ne voulait pas l’avoir fait pour rien et qu’il était donc important que nous suivions des études, afin que nous ayons une meilleure condition sociale et un bel avenir. Puisqu’elle lisait le français, elle savait déchiffrer les mots des enseignants par elle-même et elle était au plus près du bon déroulement de notre scolarité.»

Samira Tayebi

Un engagement citoyen depuis le lycée

Le long de cette scolarité très suivie par une mère au plus près de la réussite de ses enfants, Samira Tayebi est marquée par un milieu scolaire où la diversité est déjà présente au sein des élèves, mais aussi par «des enseignants bienveillants», qui lui ont donné l’envie de devenir professeur des écoles. «Nous étions polyglottes, on échangeait dans toutes les langues», se souvient-elle. Mais à la fin du primaire, les choses commencent à changer.

Samira Tayebi grandit et étudie à Clichy-Sous-Bois, où les collèges ne proposent alors que des filières professionnelles. «Comme j’avais la chance que ma mère s’intéressait au milieu scolaire et que mon père avait le niveau de baccalauréat marocain, mes parents ont mené un réel combat pour que je puisse m’inscrire à un autres établissement, qui proposait ailleurs des filières générales et technologiques», se rappelle encore la maire.

C’est ainsi qu’après son BAC, elle suit avec brio des études universitaires en sciences de l’éducation, jusqu’à obtenir sa licence pour devenir enseignante. Depuis 27 ans, Samira Tayebi enseigne à Clichy-Sous-Bois, en petite section à la maternelle. «Il faut avoir l’envie d’enseigner, aimer transmettre et aider les jeunes à grandir. Nous sommes l’exemple des enfants à l’école. Nous avons un rôle d’instruction et un rôle éducatif», estime-t-elle aujourd’hui.

«Par ce processus, j’essaye de transmettre aux adultes de demain que c’est nous qui écrivons notre propre avenir. Il est important de s’en donner les moyens, en travaillant, en allant à l’école et en y croyant. En France, nous avons la chance de la gratuité de l’école, avec beaucoup de possibilités pour étudier et aller jusqu’au bout de ses rêves. Je crois en l’égalité des chances.»

Samira Tayebi

L’égalité des chances, Samira Tayebi y a cru dès sa jeunesse, en s’engageant d’abord dans la vie associative. A l’âge de 15 ans, elle est membre de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), avant de participer à la création d’une association de quartier, toujours à Clichy-Sous-Bois. Elle s’investit ensuite dans le Secours populaire français, puis elle fonde, en 2011, l’Association pour agir citoyen (APAC).

A Clichy-sous-Bois, Samira Tayebi a succédé à Olivier Klein / Ph. Nathalie Revenu - Le ParisienA Clichy-sous-Bois, Samira Tayebi a succédé à Olivier Klein / Ph. Nathalie Revenu - Le Parisien

Un engagement citoyen entre politique et société civile

Au sein de l’APAC, Samira Tayebi mène plusieurs actions entre la France et le Maroc, pour lutter contre l’abandon scolaire dans le milieu rural de son pays d’origine, essentiellement dans la région de l’Oriental, dont sa famille est issue. L’ONG vient en aide aussi aux familles en grande précarité.

Au cours de ses années de militante dans diverses associations, Samira Tayebi fait par ailleurs la rencontre de Claude Dilain, maire socialiste de Clichy-Sous-Bois entre 1995 et 2011. En 2008, il lui propose de rejoindre son équipe. Depuis, elle évolue au sein de la mairie, d’abord en tant que conseillère à la petite enfance.

Avec l’élection d’Olivier Klein en 2011 pour succéder à l’ancien maire, Samira Tayebi devient première maire-adjoint. Bénéficiant de la confiance de nombreux habitants, sa récente élection à la tête de la ville n’a pas été une surprise pour les riverains. La nouvelle maire se dit fière de cette confiance renouvelée et renforcée.

«J’espère qu’en étant devenue première maire femme de ma ville depuis 1947 et première maire d’origine marocaine, cela donnera envie à d’autres femmes de le devenir après moi, ou à faire même plus. Je suis très fière d’avoir été élue et de continuer ainsi à être au service de toutes les clichoises et de tous les clichois.»

Samira Tayebi

Evoluant au Parti socialiste jusqu’en 2019, avant de retrouver sa qualité de société civile dans le cadre de la participation politique, Samira Tayebi estime que l’accès à la vie publique par le biais de ces deux champs complémentaires permet de donner une vue d’ensemble sur les rôles et les missions des différents acteurs de terrain.

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