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Grand Angle

La tariqa tijaniya au cœur d’une nouvelle rivalité entre le Maroc et l’Algérie

L’Algérie s’efforce de gagner la reconnaissance islamique, assurant être le siège de la tariqa tijaniya et l’idée que celui du Maroc n’en est qu’une branche. Elle cherche ainsi à tirer parti de son organisation de la 17e Conférence de l’Union des conseils des Etats membres de l’organisation de la conférence islamique, pour servir cet ordre soufi de grande influence en Afrique.

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Mausolée du fondateur de la tariqa tijaniya au Maroc / DR.
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Les autorités algériennes s’activent avec l'appui de l’Association des savants musulmans algériens, pour tenir un sommet condamnant la normalisation avec Israël. N'ayant pas pu pousser le sommet à condamner la normalisation, le président de l’Assemblée populaire nationale algérienne, Ibrahim Bougali, a reçu le «calife général de la tariqa Tijaniyya», Sidi Ali Belarabi Tijani.

Cette réunion a également coïncidé, mercredi, avec les préparatifs en cours pour l’organisation de la 17e Conférence de l’Union des conseils des Etats membres de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), que l’Algérie abritera dans les mois à venir. «Boghali a présenté une proposition visant à programmer une visite au profit des participants à cette conférence au siège du califat de Tijani en tant que repère religieux rayonnant, source de connaissance et de rayonnement spirituel pour des milliers d’adeptes et de fidèles, dans diverses parties du continent et à l’étranger», selon l’agence de presse algérienne.

En outre, «une autre proposition a été faite pour traduire en français et en anglais le livret qui fait connaître le fondateur de l’ordre, le cheikh Abu al-Abbas Ahmed al-Tijani, afin d’en faire un guide de présentation aux participants à la conférence, pendant leur visite d’Ain Madi, chef-lieu du califat général de l’ordre», ajoute la même source.

Un vieux conflit renouvelé

Par cette démarche, l’Algérie tente de s’attribuer l’ordre Tijani, suivi par des millions de personnes sur le continent africain et dans le monde. Elle insiste pour affirmer que son siège est dans la ville algérienne d’Ain Madi, et que la zawya située au Maroc n’en est qu’une branche.

Les médias proches du pouvoir algérien avaient précédemment indiqué que leur pays tentait de «barrer la route à la mainmise sur le califat de Tijani par le Makhzen» (sic) et travaillait à «confirmer Ain Madi en Algérie comme référence de la tariqa Tijaniyya», sous-entendant que «le reste des zawya à travers le monde ne sont que des branches».

Le fondateur de la zawya, cheikh Ahmad al-Tijani, est né en Algérie. Il a fait son instruction religieuse au Maroc, où il s’est installé et a été inhumé à sa mort. Le différend maroco-algérien autour de la zawya remonte à des décennies. Dans les années 1980, l’Algérie avait déjà tenté de tenir une conférence, qui a été finalement boycottée par les cheikhs et les moqaddems, après que le ministre marocain des Habous et affaires islamiques de l’époque, Abdelkabir Mdaghri Alaoui, a réussi à les convaincre. En 1986, le Maroc a ainsi accueilli un grand forum à Fès. Par la même occasion, les participants ont déclaré leur soutien à la marocanité du Sahara.

En 2006, l’Algérie a organisé un autre forum, qui a été boycotté par le Maroc et un certain nombre de cheikhs de cet ordre soufi. Un an plus tard, le royaume a organisé un autre forum que l’Algérie a boycotté à son tour. Cette dernière rencontre a été marquée par la forte participation des adeptes de la méthode de divers pays africains.

En 2014, la ville de Fès a accueilli un forum international de l’ordre Tijani, avec la participation de plus de 1 000 représentants issus de 47 pays à travers le monde, malgré la tentative de l’Algérie, qui a boycotté le forum, de décourager des centaines des fidèles du Sénégal, de la Gambie, de la Mauritanie, du Bénin, de la Guinée et du Mali de se rendre au Maroc.

Des membres de la zawya en Algérie ont déclaré à l’époque avoir boycotté le forum en protestation contre l’invitation de l’ambassade du Maroc adressée à Ali Tijani, qui s’autoproclame calife général de l’ordre. En octobre 2021, l’Algérie a organisé, sous les auspices du président Abdelmadjid Tebboune, un forum international à la mosquée Sidi Abdel Jabbar dans la ville d’Ain Madi, sous le thème «La biographie du bien-aimé Mustafa en les mystiques du pôle caché, Sidi Ahmed Tijani».

Au mois de mars 2022, le cheikh de la zawya, Sidi Mohamed Kabir ben Sidi Ahmed Tijani, s'est rendu au Sénégal, accompagné d’une délégation de haut rang parmi les petits-fils de Cheikh Tijani et les savants de la tariqa. Des mois plus tard, l’Algérie a envoyé le cheikh Ali Belarabi Tijani au Sénégal, où le président Macky Sall l’a reçu.

Le Maroc a une longueur d’avance

Malgré les tentatives algériennes, le rayonnement de la zawya tijania de Fès reste grand, à rebours de l’Algérie. La zawya d’Ain Madi reste plutôt une branche de l’école spirituelle marocaine, Sidi Mohamed Kabir Tijani est considéré comme le cheikh de l’ordre, alors qu’Alger promeut Sidi Ali Belarbi Tijani.

Contrairement à la zawia algérienne, l’influence de la zawia marocaine reste importante sur le continent africain. En novembre 2016, le président nigérian Mahamadou Buhari a rencontré le cheikh de la zawia marocaine à Abuja, dans le cadre des efforts des autorités algériennes pour affronter le groupe terroriste Boko Haram.

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