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Grand Angle

Maroc : Le ministère de la Justice épinglé pour avoir segmenté l’égalité des genres

Pour débattre des inégalités fondées sur le genre encore contenues dans le Code de la famille, le ministère de la Justice aurait tendance à privilégier certaines thématiques plus que d’autres. Quitte à passer sous silence certaines grandes questions, il met en avant celles moins enclines à faire tâche d’huile. De quoi faire sortir plus de 20 ONG féministes de leur réserve.

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Le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi / DR.
Temps de lecture: 3'

23 organisations et collectifs associatifs féministes au Maroc ont récemment fustigé la démarche du ministère de la Justice qui, lors des consultations avec la société civile, a tenu à segmenter les questions de lutte contre les inégalités et les violences fondées sur le genre. A l’initiative du département, une rencontre s’est en effet tenue les 27 et 28 octobre derniers, avec la participation d’un nombre d’ONG autour de «la justice et l’égalité dans la famille marocaine», à l’occasion de la Journée nationale des droits des femmes. Seulement, en ouverture des travaux, «la méthodologie de sélection des sujets des ateliers thématiques a limité ces derniers dans le mariage, le mariage des mineures et le divorce», et ce «à la surprise générale des associations présentes physiquement et celles participantes à distance».

Les participantes sont sorties de leur réserve et ont tout de suite exprimé leur «rejet de l’approche fragmentée et segmentée», face à une question nécessitant une approche globale et un traitement transversal. Parvenu à Yabiladi, vendredi 4 novembre, un communiqué à ce sujet porte la signature de 21 ONG et de deux collectifs associatifs. Les organisations y estiment que «la réflexion sociétale autour de la révision du Code de la famille ne pourrait se réduire à sélectionner des articles spécifiques comme questions non résolues et à remplacer des thématiques par d’autres». L’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), l’Union pour l’action féministe (UAF), l’Association Solidarité féminine (ASF), Assaida Al Horra, Assanaa et Aspirations féminines, entre autres, ainsi que la Coalition Printemps de la dignité et le Réseau Anarouz, qui regroupe plus de 40 centres d’écoute des femmes victimes de violences, font partie des signataires.

Suite aux divergences méthodologiques, les ONG ont alerté que la fragmentation de ces questions sera une approche «biaisées», qui «entravera la réforme globale du Code de la famille actuel, tel que requis par le principe de compatibilité avec la Constitution de 2011 et les accords internationaux ratifiés par le Maroc». «Ceci contredit également la volonté royale exprimée dans le discours de la Fête du trône, voulant assurer la pleine participation de la femme marocaine dans tous les domaines et veiller à ce qu’elle ait le statut qu’elle mérite, sans privations de ses droits», mettent en garde les signataires.

Sortir de l’approche qui traite les femmes comme des catégories sociales

Les 23 organisations soulignent ainsi la nécessité de rompre avec les théories de développement des années 1970, selon lesquelles les femmes seraient une catégorie sociale et non des membres intégrées à leurs sociétés. Elles exigent «un large débat impliquant toutes les parties concernées par les questions abordées ou régies par le Code de la famille pour assurer le démantèlement de la structure archaïque des relations entre les hommes et les femmes dans la vie conjugale et familiale, revoir le cadre conceptuel du Code et rompre avec l’approche patriarcale qui l’encadre, pour ainsi briser les stéréotypes sur les tâches et les rôles des hommes et des femmes».

Les ONG appellent, par la même occasion, à «faire de l’égalité et de la non-discrimination deux principes fondateurs de toute réforme des lois relatives aux droits des femmes, en particulier du Code de la famille, pour un changement majeur et global dans la cohérence et l’égalité». Elles plaident également pour accélérer la mise en place effective de la Commission pour la parité et pour la lutte contre toutes les formes de discrimination, «afin qu’elle mène à bien ses missions constitutionnelles». Avec la rentrée parlementaire, l’ADFM parmi les signataires a d’ailleurs rappelé l’importance de chantiers comme celui de «la refonte du Code de la famille et de l’ensemble des législations discriminatoires», ou encore la révision des programmes scolaires pour une «pédagogie transversale de l’égalité».

Membre fondatrice de l’ONG, Khadija Rebbah a précédemment déclaré à Yabiladi que «tous ces points sont indissociables les uns des autres, en plus de ceux de l’égalité au niveau économique, de l’accès à l’emploi et d’équité, même sur la question de l’héritage, qu’il est grand temps de mettre sur la table, puisque le discours royal du 31 juillet a appelé à réformer le Code de la famille». «Si réforme égalitaire il y a, l’héritage ne fait-il pas partie de ce texte ? Pourquoi réformer ce dernier dans son ensemble, mais éviter encore de toucher à ce chapitre précisément ?», s’est encore interrogée la féministe.

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