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Grand Angle

Maroc : Les métropoles face à l’impératif de renouveler le processus de planification urbaine

Le Maroc s'est lancé dans le développement de projets urbains de nouvelle génération. L’urbaniste et chercheur en sciences de la ville, Mostafa Kheireddine plaide pour le renouvellent du processus de planification urbaine afin de lui «conférer une vision stratégique soutenue par une culture de projets urbains».

Publié
La ville de Casablanca. / DR
Temps de lecture: 3'

Depuis deux décennies, le Maroc a lancé le développement des projets urbains de nouvelle génération. Des projets de développement urbain (PDU) qui ont notamment concerné Tanger, Casablanca, Rabat, Marrakech, Tétouan, Salé, Kénitra, Al Hoceima et Agadir. Toutefois, si le royaume parvient à contenir une urbanisation quantitative et ses impacts non négligeables sur l’urbanité, le grand pari à relever reste celui d’un développement urbain qualitatif, a estimé l’urbaniste et chercher en sciences de la ville Mostafa Kheireddine.

Dans un Policy Brief publié cette semaine par le Policy Center for the New South (PCNC), le chercheur a ainsi analysé l’expérience du Maroc dans la mise en œuvre du programme de développement intégré au niveau des grandes villes, à l’occasion notamment du lancement du Dialogue national sur l’urbanisme et l’habitat.

Un «compromis» et des «rapports de force inégaux» entre les acteurs

Il a estimé que l’analyse de cette expérience laisse entrevoir que ce programme s’opère dans un contexte institutionnel marqué par six déterminants. Il s’agit, selon lui, d’un «redéploiement de l’État pour de nouveaux rapports État-villes», «un compromis avec toutefois des rapports de force inégaux entre les acteurs» et «une éclosion des SDL (sociétés de développement local, ndlr) auxquelles est confié le pilotage opérationnel». Il s’agit également d’une «légitimité politique des élus impactée par le poids inégalitaire des ressources de l’État et de ses technostructures», «un opportunisme politique des élus, en lieu et place d’un positionnement politico-stratégique confortant leur légitimité» et «un processus de participation relégué en second plan avec comme corolaire des controverses sur certaines composantes des projets urbains».

Ainsi, ces projets urbains «ont comme traits communs : un portage politique au plus haut niveau de l’État, une pluralité des parties prenantes, un pilotage opérationnel porté par des structures dédiées, des budgets conséquents et un échéancier figé à l’avance», souligne le chercheur. Celui-ci rappelle aussi comment la démarche «projet urbain» a été marquée par «un changement de mode de régulation sociale et politique», avec la mise en place d’un «processus de concertation» devant assurer une «meilleure appropriation des projets».

S’il évoque brièvement la «courbe ascendante» de création de SDL ces dernières années, dont certaines dotées de «pouvoir élargi allant de l’acquisition et la cession des terrains au recours à l’emprunt sur le marché financier», Mostafa Kheireddine reconnaît que le projet urbain ne pourrait gagner en adhésion que «s’il sort de son autarcie et fait interagir l’ensemble des parties prenantes (acteurs institutionnels, socio-économiques, citoyens…)».

«Au vu de l’expérience en cours, la consécration des projets urbains n’est pas un fleuve tranquille. Plusieurs controverses ont fait surface et d’autres risquent d’apparaitre à l’avenir une fois les équipements réceptionnés par les villes», poursuit-il, pointant des ouvertures sur la société civile et la population qui «ne s’opèrent qu’en période de controverses».

Pour des milieux de vie «inclusifs, durables et résilients»

Le chercheur s’attarde aussi sur le financement des projets urbains par l’Etat et la place du secteur privé qui «n’intervient qu’en aval». «L’implication des acteurs privés dans la co-production du projet urbain est de nature à mobiliser des fonds privés et contribuer au coût du développement urbain. Cette approche impulsée par l’État peut s’avérer une solution à moyen terme pour inscrire les grandes villes sur les registres de l’attractivité et du renouvellement urbain. Toutefois, ce processus risque de créer des villes à double vitesse», estime-t-il.

En somme, «les expériences en cours de réalisation à l’échelle des grandes agglomérations (Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir) nous amènent à s’interroger si la démarche projet urbain est vouée à se disséminer dans les politiques publiques urbaines "témoignant d’un renouvellement du système de planification urbaine" ou s’agirait-il, tout simplement, de sa relégation en arrière-plan, le temps de gouverner la ville par le projet urbain», indique le Policy Brief. Le chercheur indique aussi soutenir, au vu de ces expériences, que le projet urbain «pourrait constituer un instrument de gouvernance de la ville».

«Sa démarche itérative, partenariale et participative a le bénéficie d’épargner la ville d’une gestion urbaine axée un instrument de planification en déphasage avec une réalité urbaine mouvante. D’où la nécessité de renouveler le processus de planification urbaine et lui conférer une vision stratégique soutenue par une culture de projets urbains.»

Mostafa Kheireddine

Le chercheur dit aussi espérer que l’actuel Dialogue national sur l’urbanisme et l’habitat initié par le département de tutelle ouvre «le champ du possible, libérera les énergies» et puisse restaurer «la confiance pour des milieux de vie inclusifs, durables et résilients».

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