Maroc : «Zanka Contact» d’Ismaël El Iraki interdit à cause d’une chanson sur le Sahara

Le Centre cinématographique marocain (CCM) a décidé, ce mardi, d’interdire la diffusion nationale et internationale du film «Zanka contact», du réalisateur franco-marocain Ismael El Iraki, à cause de la reprise d’une chanson de la militante pro-Polisario Mariem Hassan, selon un communiqué consulté par Yabiladi.

Le 24 septembre dernier, le long-métrage a pourtant été primé à la 22e édition du Festival national du film de Tanger, où il a raflé le Grand prix dans sa catégorie. Le communiqué du CCM note que la décision de censure intervient après que des internautes sur les réseaux sociaux se sont interrogés sur l’inclusion de cette chanson au film. Selon l’instance, le scénario d’origine envoyé au CCM n’aurait pas comporté la chanson en question, mais une d’un autre chanteur qui «n’affecte pas les principes de la nation».

Le CCM indique avoir pris connaissance de ce changement, lorsqu’il a «récemment passé en revue le film». Pour cette raison, il a décidé de suspendre le visa commercial et culturel du film au Maroc, ainsi que sa «projection commerciale et culturelle, au niveau national et international». Par ailleurs, il a «retiré la licence professionnelle du réalisateur et a envoyé un avertissement à la société de production pour que, dans les prochaines 48 heures, elle change la version du film et supprime la chanson, de façon à correspondre au scénario original de l’œuvre ayant reçu la subvention publique et l’autorisation de tournage».

Dans le cas échéant, le CCM a exprimé son intention de retirer l’autorisation de travailler à la société de production, ainsi que l’agrément de réalisation des productions cinématographiques. Il a également dit se réserver le droit de saisir la justice. Multi-primé au Maroc et à l’étranger, «Zanka Contact» a été subventionné par le CCM à hauteur de 4,2 millions de dirhams.

Ce film raconte l’histoire mouvementée du rocker Larsen et de Rajae, une prostituée à la voix exceptionnelle. Survivante d’un viol qui a bouleversé le cours de sa vie, la musique la réunit avec Larsen, rescapé d’un attentat qui a brisé sa carrière. Leur histoire d’amour va donner un nouveau sens à leur vie, après que Rajae a repoussé un puissant client et décidé de s’enfuir avec le musicien vers le sud.

«Le film a obtenu son visa sans demande de changement»

A la suite de cette décision, Ismaël El Iraki a réagi par voie de communiqué également. Plus tard ce jeudi, il dit regretter de «voir un malentendu prendre de telles proportions». Le cinéaste reconnaît bien l’utilisation de la chanson en question, mais explique qu’il s’agit d’un «choix purement esthétique et musical». «Le réalisateur a simplement choisi de mettre dans le film la voix d’une chanteuse et non une personne ni en aucun cas ce qu’elle représente politiquement», indique le communiqué, consulté par Yabiladi. Et d’ajouter que le choix «a été fait pour des raisons d’illustration musicale et est intervenu, comme toujours au cinéma, dans le moment de création du film lors du tournage et de la conception sonore (montage son) en 2020».

Par ailleurs, l’équipe explique ne pas avoir mentionné cet élément dans le scénario déposé au CCM deux ans plus tôt, en 2017, «car c’est une illustration musicale et non quelque chose de fondamental dans la séquence». Selon le réalisateur, «la même scène serait tout à fait la même sans musique».

Se défendant de toute contravention à la loi, l’équipe soutient par ailleurs avoir «suivi scrupuleusement les règles en déposant le film à la commission d’attribution des visas du Centre cinématographique marocain en vue de la sortie nationale en 2021». La même source souligne que «le film a obtenu son visa sans demande de changement».

Suite à la décision annoncée par le CCM, l’équipe a annoncé avoir «d’ores et déjà remonté une version du film sans cette musique et qui sera transmise au CCM dès sa finalisation demain 21 octobre 2022».

Tentant d’éviter tout amalgame sur le point de vue des comédiens à ce sujet, le réalisateur a ajouté que ces derniers «ne sont en rien responsables de ce choix qui [lui] incombe uniquement et totalement». Il insiste l’avoir pris «sans aucune intention politique, mais uniquement pour l’émotion que procure la voix de cette chanteuse et sans aucun rapport avec ses visions politiques».

«Surtout nous sommes fiers que le public national et le milieu du cinéma marocain ait offert à notre film une grande reconnaissance», souligne encore l’équipe.