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Grand Angle

Maroc : La vaccination anti-HPV des filles limitera-t-elle les cas de cancer utérin ?

Le développement du cancer du col de l’utérus est intimement lié à la contraction du papillomavirus humain (HPV) chez les femmes, par voie sexuelle. Au Maroc, le ministère de la Santé s’alignera sur les recommandations de l’OMS en intégrant, dès octobre prochain, le vaccin anti-HPV au Calendrier national de vaccination. Les filles de 11 ans et plus sont les premières concernées.

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Photo d'illustration / DR.
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A partir du mois d’octobre 2022, la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) sera intégrée au Calendrier national de la vaccination par le ministère de la Santé et de la protection sociale. La mesure implique ainsi le lancement d’une campagne de vaccination, qui privilégie les plus jeunes, à commencer par les filles de 11 ans et plus, dans les milieux scolaires du pays. A cet effet, une circulaire conjointe entre les deux ministères de tutelle a été généralisée, la semaine dernière, à l’ensemble des directions, des provinces et des académies. Le processus débutera dans les établissements d’enseignement, publics et privés ainsi que ceux relevant des missions étrangères. Aussi, le vaccin sera gratuitement mis à la disposition des jeunes filles dans les centres de santé, sous forme d’une double-dose injectable, avec un temps minimal de six mois d’intervalle entre la première et la deuxième injection.

La décision a été prise, vu que le HPV est une maladie généralement transmissible par voie sexuelle avec une grande rapidité, qui évolue en donnant lieu à des cellules précancéreuses du col de l’utérus. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 604 000 femmes ont été dépistées au cancer du col de l’utérus en 2020 seulement et 342 000 en sont décédées, soit un peu plus de la moitié. Au niveau national, le ministère de la Santé indique que chaque année, 52 000 femmes en moyenne développent un cancer du col et près de 2 000 décèdent. Face à ce constat, l’OMS a recommandé aux Etats membres d’adopter des stratégies efficaces de prévention, en intégrant notamment le vaccin anti-HPV au Calendrier national des vaccins adoptés par pays.

Elaboré par l’Association Lalla Salma de lutte contre le cancer, avec le ministère de la Santé, le Guide de détection précoce des cancers du sein et du col de l’utérus indique en effet que la genèse du cancer du col utérin «est due principalement» à l’infection au HPV, qui survient chez «40 à 50% des femmes sexuellement actives». L’élimination naturelle du virus est possible jusqu’au stade de cancer, explique le document, ajoutant que «la persistance de l’infection par un phénotype oncogène» accélère le développement du cancer, jusqu’à son stade invasif, plusieurs années après la première infection au HPV. «Le frottis cervico-vaginal, la détection de l’ADN viral (VPH) ou l’inspection visuelle du col utérin avec l’acide acétique (IVA) permettent le dépistage des lésions intra épithéliales. Leur diagnostic est orienté par un examen colposcopique», ajoute la même source.

La nécessité d’informer contre les aprioris

Gynécologue obstétricienne, Dr. Sofia Salmi estime auprès de Yabiladi que l’intégration du vaccin anti-HPV au Calendrier national de vaccination est salutaire, surtout que la présence du HPV chez la patiente conduit très souvent au cancer du col de l’utérus, si le suivi médical n’est pas régulier. «Lorsqu’une jeune fille ou une jeune femme n’a jamais eu de rapport sexuel, il est encore plus primordial de lui indiquer le vaccin anti-HPV. Ce dernier a 20 ans de recul, au cour desquels il a été bien évalué et développé par les scientifiques», insiste la praticienne.

Dans certains pays, comme l’Australie, «on est déjà passé à la vaccination des hommes contre le HPV, pour leur éviter de colporter le virus à leurs partenaires femmes», ajoute-t-elle, soulignant que cette approche a prouvé son efficacité dans la limitation des cas de ce cancer dans le pays. En France, la Haute autorité de santé recommande de vacciner et les filles et les garçons, de 11 à 14 ans, selon un schéma à deux doses. Un rattrapage est possible pour les adolescents et les jeunes adultes, de 15 à 19 ans, selon un schéma à trois doses. Au Maroc, le recours à la vaccination chez les jeunes filles et les femmes est resté peu courant.

«Lorsqu’une jeune femme fait une consultation prénuptiale et qu’elle n’a pas encore eu de rapport sexuel, je préconise moi-même une vaccination anti-HPV en expliquant à mes patientes l’importance et l’intérêt de se faire vacciner», souligne Dr. Salmi auprès de notre rédaction. Elle insiste qu’«il faut savoir que ce virus est colporté le plus souvent par voie sexuelle : on ne le contracte ni au bain maure, ni dans les toilettes publiques ; c’est principalement à la suite d’un rapport sexuel non protégé que le risque s’accroît, d’autant que le HPV est une MST rapidement transmissible».

Un virus qui condamne souvent les patientes

En cas de HPV, des modifications cellulaires s’opèrent au niveau du col de l’utérus. «Le HPV est capté par les cellules du vagin et du col, avec un portage qui s’avère souvent chronique», selon Dr. Salmi. Le virus peut ainsi condamner la patiente à «vivre avec le HPV», d’où l’importance de la régularité du frottis chez le médecin, afin de surveiller l’évolution de l’infection. Lors de cet examen, «les condylomes vénériens peuvent être aussi un indicateur de tumeurs qui signifient indirectement la présence de HPV», indique la gynécologue.

Au cours de la surveillance médicale et du dépistage précoce, dans le cas où le HPV ne disparaît pas naturellement au bout d’une année, «on peut agir avec une ablation des zones touchées au niveau du col, ou une ablation totale de l’utérus, en fonction du stade des cellules précancéreuses. La patiente est guérie grâce à cette intervention», nous explique Dr. Salmi. La praticienne avertit que «si la surveillance n’est pas assurée durablement chez la patiente porteuse du virus, cette dernière risque de développer des cellules précancéreuses au bout de 5 à 10 ans, du fait de l’agression des cellules utérines et leur modification par le HPV, avec un risque de métastases et de dissémination aux organes de voisinage».

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