Témoignages de banlieue : La Cité parle à la France

Après les émeutes de banlieues, le magazine suisse l’Hebdo avait eu l’idée de lancer le «Bondy Blog» pour couvrir l’actualité de la ville de banlieue parisienne, Bondy, en son cœur et par ses habitants, directement, sans passer par le prisme du journalisme conventionnel. Les éditions La Découverte publient, en cette rentrée littéraire, «Nous… la Cité», écrit pas quatre «jeunes de banlieue», Rachid Ben Bella, Sylvain Erambert, Riadh Lakhéchène, Alexandre Philibert et leur éducateur, et Joseph Ponthus, sur leur quotidien dans une banlieue de Nanterre.

«On a commencé par écrire pour le Canard enchaîné», explique, Riadh Lakhéchène, au micro de France Info. Un passage du livre raconte comment leur démarche d’écriture a rencontré leur vie quotidienne, notamment face à un juge lors d'une audience, que rapporte in extenso Rue 89.

«Il [le juge] pose enfin une question à Riadh [...] : - Et vous travaillez en ce moment ?

– Oh, je fais un chantier avec le club de prévention. On écrit un article pour Le Canard...

– Le canard, c’est Nanterre Info ?

– Non, je ne sais pas si vous connaissez, c’est un journal qui s’appelle Le Canard enchaïné... Dès lors, y a comme un bug. Un truc qui marche pas. Un sale délinquant arabe qui écrit dans le journal qu’il achète tous les mercredis. Il lève la tête, nous regarde enfin, réétudie encore plus profondément le dossier de Riadh, trouve une fiche de paie.

“Le Canard Enchaîné, mais ce n’est pas possible : vous avez travaillé chez Quick...”

Riadh hausse les épaules.

“Et c’est sur quoi votre article ? [...]

– Monsieur le juge, ce n’est pas à vous que je vais apprendre la législation en ce qui concerne le secret des sources pour les journalistes. Par contre, je ne manquerai pas de vous faire parvenir un exemplaire une fois celui-ci paru.»

Autobiographie sociale

Le roman des quatre jeunes hommes tient effectivement beaucoup du journalisme citoyen, au sens où leurs histoires, les anecdotes sont racontées de façon réalistes par ceux qui les ont vécues. Entre documentaire, et autobiographie à 10 mains. Les auteurs se sont laissés prendre entre les logiques individuelle et collective. «Maintenant, ils parlent en leur propre nom, avant ils s’assimilaient peut être à un concept comme «jeunes de banlieues». Là ce sont des histoires individuelles», analyse Joseph Ponthus, l’animateur, à France Info.

Un jour, au collège, l’un d’eux tombe amoureux et il raconte sa passion. «J’étais tellement content que ce vendredi, en rentrant chez moi, pour la première fois j’étais pressé d’arriver au lundi pour voir Camélia. Déjà que je me sentais de mieux en mieux dans cette école, là, je me sentais chez moi ! A tous les cours, je m’assieds à côté d’elle, je suis très sérieux et ai de très bonnes notes. Les cours se passent donc super bien, je n’ai aucune lacune, l’année passe vite vu que je suis heureux.»

Le livre, par son titre «Nous… la Cité», prend également une valeur documentaire. Comme si c’est 4 témoignages croisés racontaient la Cité, avec un grand C. Les fameuses émeutes de banlieues, en 2005, sont racontées de l’intérieur et sans faux semblants par les 4 auteurs. : «On voyait bien que l’Etat avait peur, mais ce qui a vraiment manqué chez nous, c’est une organisation. Y avait pas de réunions, on faisait ça à l’improviste. Chaque cité faisait son truc dans son coin. S’il y avait eu des contacts avant, des vrais chefs d’équipe qui auraient dit “Toi, tu fais ça, toi, tu vas là”, ça aurait été vraiment fumant.»

Mais ça n’a pas complètement "pété" et Nanterre est encore là pour parler d’elle. Rue 89, France info et Yabiladi lui servent de porte voix.